Serge Peker Un pas de deux ; roman éditions MEO (187 pages, 18 euros)

Un médecin et un comédien se retrouvent ensemble dans une même chambre d’hôpital, activant des rôles fictifs inspirés par leur vie réelle, ceci initié par le comédien après qu’il eut découvert le journal intime du médecin.
L’auteur nous propose ainsi un genre entre théâtre et roman où priment surtout des dialogues menés parfois avec humour, parfois avec empathie suivant les thèmes de discussions orientés, chacun des protagonistes relatant une situation qui lui paraît révélatrice :
« – Votre rôle de thésard est assez proche du mien pour une courte séquence dans un film italien où apprendre cette langue ne me fut pas nécessaire. Légionnaire basique de César, je n’avais qu’à monter la garde devant la porte d’un palais. Pas une syllabe à prononcer. Et pourtant, j’ai sué pour ce rôle comme rarement j’ai pu suer/…/ Pour votre père, je dirais qu’il est bon spectateur
– Certes, mais conquis avant même que la pièce soit jouée. Toujours est-il que me voilà docteur. Un titre qui dans ce monde est loin d’être une foutaise ».
Au-delà du jeu, le dialogue donne à l’auteur l’occasion d’évoquer les problèmes qu’encourent nos dialogistes, taclant au passage certains clichés :
« – La mairie de Paris ne connait que deux sortes de salaires : les très hauts pour les sortants de l’ENA et les très bas pour les autres. Les autres, c’est-à-dire tout le monde. Autant dire que je dois y réfléchir à deux fois avant de m’acheter des chaussures/…/
– Vos revenus de médecin de dispensaire au service des prolétaires vous placent au top des plus bas ».
L’homme de théâtre répondra ainsi au médecin en reprenant son propre vocabulaire :
« – Je ne peux accoucher d’un être de théâtre sans chercher un souffle et une respiration qui puissent convenir aux mots qui sortent de ma bouche ».
Il ressort de l’ensemble de ce livre une impression de scénario.
Outre les dialogues on remarquera la précision gouleyante du style tandis qu’un humour parfois corrosif complète l’intention de l’auteur.
L’échange des personnes devient, en quelque sorte, fusionnel tellement les mots paraissent mêlés d’un discours à l’autre.
S’ébauchent ainsi différentes facettes d’une personnalité devenant commune et reconstruite peut-être en cerveau gauche et cerveau droit.
Sans doute s’agit-il de voir au-delà des apparences tandis qu’un soupçon de poésie anime parfois la conversation :
« – Pourquoi pas patientèle ?
– Parce que ce mot me fait entendre un vol d’hirondelles qui me quitteraient en hiver pour revenir en été me parler de leur santé ».

Patrick Devaux