Suzel Swinnen, Mal de mères, roman, pythomium.net, rue des Prés, 75/3, 4802 Heusy

Un roman très attachant, tout d’abord dans sa première partie, qui nous offre un tableau plein de grâce et de fidélité de la vie d’un village de chez nous, Senzeilles près de Cerfontaine, dans les années médianes du siècle passé. Suzel Swinnen, il est vrai, est née à Mons, mais elle a dû aller souvent à Senzeilles pour dépeindre si joliment ce petit village:

Le village disperse ses maisons de pierre grise au sommet d’une butte entourée de prairies, à quelques centaines de mètres de la forêt qui porte le même nom que lui. L’endroit est verdoyant et ne manque pas de promenades. Le bus dépose ses voyageurs devant l »église Saint-Martin. La maison des grands-parents se trouve à trois cents mètres de là, encadrée par la grange du maréchal ferrant et l’école du village.

Louison reconnaîtde suite le magasin exploité par son aïeule: c’est un des rares commerces du village où l’on vend de tout. Dès l’entrée, on distingue, à gauche, le coin quincaillerie où s’entassent pêle-mêle vaisselle, casseroles, et autres ustensiles pour le ménage; à droite, la droguerie avec ses produits toxiques dont Louison ne peut s’approcher, puis la jolie vitrine de mercerie avec ses fils, ses beaux rubans, ses boutons de toutes les couleurs; au centre, la partie la plus imposante: l’épicerie. La petite fille lorgne son rayon confiserie, bonbons acidulés, parfumés à la fleur de violette, bâtons de réglisse, lacets à l’anis. L’armoire aux chocolats Jacques est toujours à sa place…Louison adore cet endroit et ses trésors sucrés, promesses dedélices dont les arômes se mélangent et la font saliver…

Qui dit mieux? En cette obscure boutique, les amateurs de petites madeleines n’ont que l’embarras du choix…J’ai toujours pensé que l’enfance était un paradis perdu. Et voici, plus loin, l’évocation d’une procession rurale:Et,surmontant le tout, au passage devant les nombreuses fermes de Senzeilles, on entend le caquètement des poules, les aboiements de chiens de garde, les beuglements d’une vache contrariée d’être restée à l’étable, et de temps à autre le cocorico d’un fier gallinacé…Les odeurs fortes de la ferme se mêlent au parfum de l’encens: émanations des silos de betteraves, remugles du fumier et du fourrage séchant au soleil. Louison se pince les narines. Le fils du maréchal-ferrant lui sourit: il a deux fleurs d’églantine dans chaque trou de nez!

Et c’est dans ce vert paradis des amours enfantines que Louison va grandir. Je ne puis hélas tout citer, mais l’évocation du coucher de la grand-mère est à lui seul un petit poème. Mais cette grand-mère a un gros souci, Adrienne, sa fille, la mère de Lousion,amère et méprisante envers son entourage. Elle fait fuir son mari et son père lors de ses crises…Pour l’instant, elle attend un second enfant. Il y a encore l’aïeule, Mathilde, qui arrive tout doucement en fin de vie.Ce n’est

Et puis, le temps se gâte: nous faisons la connaissance de Vincent, le père de Louisonfrustré d’affection, et qui, de plus est cleptomane, et, de temps à autre, convoqué par la police… Pas un mauvais bougre,  il aurait tout fait pour reconquérir l’amour de sa femme, mais celle-ci est décidément de tempérament maussade. En fin de compte, il aura une liaison avec une jolie dame, liaison dont Louison aura tôt fait de se douter Et puis il y a encore marraine Mia et sa dame de compagnie

L’atmosphère va encore s’assombrir, et, insensiblement, nous quittons l’atmosphère idyllique du village pour entrer dans les ombres bien épaisses d’un polar classique,Nouveaux venus  en scène, policiers, et une policière notamment, vraiment bien campés, si bien que l’histoire reste très vraisemblable Rien ici qui pèse ou qui pose…Bien sûr,comme c’est un polar, je ne vous dévoilerai pas le secret, je ne vous dirai pas : C’est beau, mais c’est triste…A vous de jouer à présent…

Je vous rappelerai seulement que Suzel Swinnen est la gagnante de notre concours de nouvelles.

Joseph Bodson

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