Sylvie Godefroid –  La balade des pavés – éditions Genèse – 173 pages – 19 €

D’une plume alerte et raffinée, cette amoureuse de la vie et de la littérature nous conte une étonnante balade dans le coeur de Bruxelles. Sylvie Godefroid nous invite dans la vie de Lola, jeune femme active qui voit soudain son quotidien bouleversé par l’annonce d’une boule au sein. Chavirer dans le désespoir n’est pas dans son caractère. Mais l’affreuse nouvelle l’empêche de dormir. Plutôt que de tourner en rond dans son lit et dans son marasme, Lola décide de faire un tour en ville, sans doute dans un désir inconscient d’évasion et d’action face à la fatalité de la maladie qui l’assaille.

Au fil de rencontres surprenantes, de conversations improbables avec des inconnus de passage, d’échanges brefs mais intenses avec des gens très différents, elle va adopter un autre regard, en prenant conscience des «autres» et de leurs problèmes, et relativiser les siens, «occuper ses pensées avec d’autres couleurs que celles du naufrage en cours». Elle s’intéresse à des gens à qui elle n’aurait pas parlé avant. Prenant conscience aussi de son être essentiel. Et de la solitude car, malgré tous les autres, qui font notre quotidien, chacun est fondamentalement seul dans sa peau. C’est elle qui est malade. Pas les autres.

Cette balade qui, au départ, n’était qu’un dérivatif à l’insomnie, va prendre des allures de parcours initiatique. Chaque rencontre devient une leçon de vie pour dégager l’important du superflu. «Moi qui n’ose pas sortir de chez moi sans être maquillée ou apprêtée, je me trouve nez à nez avec une femme qui n’a pas fait le choix de l’apparence.» En plus de s’intéresser aux autres, elle s’intéresse à elle-même d’une façon nouvelle : «Je n’ai jamais écouté la femme qui habite mon corps. Elle n’a pas eu beaucoup de place, entre les enfants et le métier». Et voilà que sa féminité brimée se rappelle à elle de la manière la plus tragique qui soit, un cancer du sein. Révoltée, honteuse, coupable, furieuse, désespérée, déterminée à se battre, elle passe tour à tour par des émotions diverses qui la déchirent. La mort, la souffrance, la mutilation, mais aussi l’incapacité de faire face à ses responsabilités professionnelles et familiales… Comment l’annoncer aux enfants, que vont-ils devenir si elle meurt ?

Elle finit par se reprendre : «Je ne suis pas malade, j’ai une maladie.» La nuance est de taille. «Elle ne prendra pas toute la place dans ma vie.». «Il y a de belles choses à vivre même après l’annonce d’un cancer.». On a le choix entre «s’effondrer ou chercher la lumière qui saura vous guider.» Et c’est manifestement le choix de Sylvie. Ce témoignage profondément ressenti allie l’émotion sincère à une qualité littéraire réelle et vaut bien une petite balade sur les pas de Lola.

Isabelle Fable