Emilie Seron, Jean-Luc Fauconnier, Werner Lambersy; Tt-ô long dès djoûs èt dès sésons, Au long des jours et des saisons,, wallon de Charleroi/français., Noir dessin production, 2019.

Signalons d’emblée que ces haïkus conçus en wallon de Charleroi par Jean-Luc Fauconnier ont été aussi adaptés en wallon de la région de Liège, de Namur et de Bastogne ainsi qu’en picard borain.Ils font partie de la collection Les bab’lutes..

La question qui vient immédiatement à l’esprit: les haïkus sont-ils adaptables en wallon, conviennent-ils au génie de la langue (pour autant que les langues aient un génies  Ce petit livre y répond de façon on ne peut plus satisfaisante. Tout d’abord parce que l’écoulement des jours, des saisons est un sujet parfaitement adapté, en ce qu’il a de fugace, de quasi instantané. Voyez ainsi Novimbe: Tous costés gn-a d’s-ames / d’zous lès foûyes èyèt lès couches / ni lès pèstèle nén./ Feuille ou rameau / partout des âmes / les piétiner ne faut.. Il est aussi remarquable que dans le haï-ku comme en wallon, les termes abstraits sont extrêmement rares. Effectivement, le but de haïku n’est-il pas, au départ d’une brève notation sensorielle, d’aboutir à créer une atmosphère de beauté?

Le proverbe, en wallon, est aussi un genre, ou un mode qui comporte une bonne part de poésie. Mais le but, là, est de tirer une leçon, une construction morale. On en trouvera à foison dans le recueil d’Emile Gilliard récemment paru, aussi bien que dans les recueils de Rvazis nivellois, déjà plus anciens. Ainsi, i vaut mia on mouchon è s’win qu’ deus mouchons su l’aye: le sens moral est clair, mais si on se laisse un peu aller à rêver, cela débouche sur une image poétique assez réussie. Un mouvement en sens inverse du précédent, mais dans les deux, le temps fort, c’est précisément cette image, c’est elle qui va rester dans l’esprit.

Et de fait, tant dans la traduction de Werner Lambersy (une belle parfois légèrement infidèle) comme dans l’original de Jean-Luc Fauconnier, on trouve un mélangé savoureux de beauté gentille et de gouaille un peu sentencieuse. Ainsi, en juin: Mètèz dès tchèyères/ vos trèpassès bén achîds / t’t-ôtoû du grand feu. //Autour du grand feu / il faut des chaises / où se plaisent vos morts. et, comme un écho, Novimbe: Tous costés gn’a d’s âmes / d’zous lès foûyes èyèt lès couches / ni lès pèstèle nén. //Feuille ou rameau / partout des âmes / les piétiner ne faut.

Enfin, la cerise sur le cadeau: les illustrations d’Emilie Seron sont ravissantes, et témoignent d’une remarquable perception du texte. Rien ne lui échappe, ni la naïveté, ni le clin d’oeil complice, ni le côté bon enfant. Un grand bravo.

Joseph Bodson

 

 

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