Véronique Bergen Voyage avec Zoë Lund éditions LansKine (2025, 47 pages)

Chez Véronique le court prénom de « Zoé » lui fait flash précipité dans un miroir tant elle semble lui coller à l’âme pour ce texte qui se déstructure en mots écartelés comme si la révélation, tel un livre, lui tombait des mains.
A la lecture le saisissement est palpable à retrouver « l’Apache urbaine » dans les rues de New York des années 70 tandis que l’auteure l’interpelle comme une amie non « à sauver » mais à comprendre, à révéler :
« Pasionaria fashionista    à l’élégance nue
aura sophistiquée                                      sourire maya
tu plantes ta colère              dans le ventre de l’empire américain
dans ses ruines guerrières
toi      si fluette      si aérienne          le monde te paraît trop étroit
tu veux l’autre de ce qui est
des grammes de non- être              transformés en poudre
l’extase de l’infini                           au bout du sexe de tes amants
des sensations sans muselière ni syllogisme ».
Le texte oscille entre seringue de noyée, poudre blanche et stylo de secours avec cette idée à faire ressentir le jusqu’auboutisme de la co-scénariste des films d’Abel Ferrara et qui incarna l’underground new yorkais des années 70.
Véronique la dit « égérie d’elle-même », détaillant le portrait du modèle/mannequin jusqu’à l’obsession, rappelant d’autres blessés du siècle et des précédents citant Jim Morrison dans la foulée de Baudelaire, donnant cette impression de vie rapide aux multiples tentatives ravalées par la drogue qui semble tantôt faire office de sortie de secours et tantôt précipice vers l’enfer tandis que « les textes cachés dans les pelages de ses (tes) rats » racontent et subliment même une « crise identitaire sous acide ».
Texte puissant pour celle que Véronique appelle avec un respect certain « Mademoiselle Zoé ».
Quelques textes et poèmes choisis de Zoë Lund accompagnent la fulgurante éclaboussure de Véronique.
Malgré la prise de conscience, par Zoé, du danger on devine qu’il lui fut irrésistible avec notamment ces mots paraissant clôturer un destin aussi talentueux que tragique : « L’héroïne est la clef de l’absurde. Chaque pas que vous faites est un pas en solitaire et vous savez que vous marchez sur de la merde. Mais c’est votre propre pas et votre propre douleur et vers l’acte généreux et gratuit par excellence ».
Véronique nous dit ; « Zoé personne ne sciera le z de ton prénom ».
Si Zoé rime avec « noyée », ce livre est un appel du pied, depuis le fond de la piscine, pour…la faire remonter dans le souvenir des Arts.

Patrick Devaux