Yves Namur La nuit amère éditions Arfuyen (2023,125 pages, 14 euros)

Avec Yves Namur, la poésie va au fond des choses quitte à « approcher/Le livre des abîmes » tandis que « creuser » suppose une progression presqu’imperceptible : « Ces traces légères/On les devine à peine dans le visible ».
La « main », vivant ustensile à écrire et à toucher, est évoquée avec habileté, désignant « Ce qui ne peut vraiment être franchi/Ce qui ne peut être atteint ».
Entre choses espérées et réalités, « Pourquoi se (me) soucier aujourd’hui de tout ça/ Quand au loin semblent se lever l’aube/Et ce chant de soif… » ?
Les traces laissées derrière lui paraissent au poète « pourtant encore visibles/Dans le livre des urnes/Quelle que soit l’obscurité/de la nuit avalée ».
A la question de savoir ce que sait le poème, à l’instar de ce que les feuilles connaissent de l’humus, le poète évoque la voix majeure d’Anise Koltz, lui consacrant 5 petits tableaux avec les voyelles qui, à leur tour, rappellent sans doute Rimbaud : « U/Tu dis que l’univers se construit Et se déconstruit/ Que là où tu regardes /C’est le vide et l’absence de vide ». Avec le rappel de mots d’autrui, le dé jeté du poème révèle le chiffre caché, ce dé un peu menteur et hasardeux comme les faces parfois ignorées du vécu : « Le dé se souvient bien/De cette histoire ancienne/Et de cet homme/Qu’ils avaient abandonné/Sur une croix ». Impossible, avec l’allusion au dé, de ne pas penser à Mallarmé tandis que « le dé vacille/Pour un oui pour un non ».
La poésie ne nous est pas exclusivement réservée ; le poète a le sens du partage bien compris : « Combien de signes/Et de poèmes inachevés/L’oiseau n’aura-t-il pas laissés/ Sur le rebord de la fenêtre ? ».
Les « traces/comme mille éclats de verre/Dans la sciure du ciel/Nous donnent elles à voir/La leçon du vide » ?
La trace ultime serait elle donc ce « poème émietté/Qu’on viendra chercher un jour ou l’autre/Pour le donner aux oiseaux » ?
Avec l’évocation du « bonheur inconsolé » (de Béatrice) Yves se demande « ce que font les mots/Quand il pleut sur une feuille de papier » tandis que, in fine, la réponse serait peut-être de laisser le poème « vivre à sa guise/ Où il le souhaite et avec qui il l’entend »

Patrick Devaux