Corinne Hoex, L’Eté de la rainette, Le Cormier, 2016.
Ce serait l’été… C’est par ces mots que commence cette courte plaquette. Et l’on saisit vite que l’auteur recompose son enfance. Ce n’est plus : c’était l’été, comme le disent les enfants en jouant avec l’imparfait hypocoristique. En utilisant le conditionnel ou le futur du passé, la poétesse choisit le registre du rêve, du regret souriant. Mais la chose est tellement bien dite, avec des mots vifs et sensuels, des couleurs, des sons, des parfums, des pétales de dialogue que le lecteur s’y replonge avec délice, dans cette enfance bénie, que chacun voudrait retrouver intacte, entière, gorgée de promesses. Tout y est, au fil de ces quelques pages exquises et malicieuses, même les secrets de fourmis. Les menus plaisirs de nos sept ans, plus savoureux, plus verts, plus mûrs que tout ce que la vie nous offrira imparfaitement par la suite, sont disposés dans un gracieux désordre sur la table attentive du jardin, sous l’œil complice de la rainette. C’est qu’à cet âge proustien, l’enfant vit sa vie comme un livre d’images vivantes et que rien ne lui échappe. Il est à la fois acteur et lecteur, il est lui-même, sans vraiment le savoir. L’âge de raison ? L’âge de la plénitude plutôt, de l’innocence, au sens propre, qui ne se nuit pas à lui-même par le recul méfiant et l’analyse narcissique. Vie cousue décousue, nous chuchote la voix de Corinne Hoex, car il s’agit toujours, à cet âge insatiable, de faire, de défaire, de toucher à tout avec une curiosité avide, une imprudente frénésie, une franche fureur de vivre et de tendre le cou à la première fontaine venue. On parcourt ces charmantes et turbulentes pages en entendant le timbre printanier de Charles Trenet, en revoyant les scènes délicieuses filmées par Jaco Van Dormael dans les cités-jardins de Watermael-Boitsfort, on boit véritablement du petit lait de trèfle à quatre feuilles, à l’ombre des peupliers, sous un azur à la Tytgat qui flotterait frais et bleu comme un foulard de lavande autour de notre tête.
Et pour le lire et le relire encore, ce subtil cahier de petite fille modèle, faites comme l’oncle Armand, prenez le ciel dans vos verres de lunettes…
Michel Ducobu