Violaine Lison, Valérie Rouiller, Ce soir, on dort dans les arbres, Noville-sur-Mehaigne, Esperluète, 2021,48 p. (14€)

Portrait d’une grand-mère au plus près de l’affection

Promenade en duo d’une petite-fille et de sa grand-mère maternelle à travers ces moments où la vie s’apprête à s’éteindre. Un livre lumineux  à travers les larmes qu’il recèle. Un livre de vie situé à cette période d’une existence où les deux sens du mot affection se rejoignent paradoxalement : sentiment d’attachement reliant deux personnes et altération de la santé physique ou mentale d’un être vivant.

Violaine Lison a choisi de ne pas écrire une nouvelle, ni un récit, ni un journal intime, ni de la poésie. Elle extrait de son souvenir des fragments brefs vécus en compagnie de son aïeule presque centenaire. Il y a juste assez peu de ‘je’ ou de ‘moi’ pour situer la narratrice. Il y a beaucoup de ‘tu’ ou de ‘toi’ pour souligner le lien fondamental avec celle à qui la petite-fille adulte parle, pour reproduire aussi des bribes de dialogues.

À travers ces instantanés se dessine un double portrait. Celui de celle qui a vécu pleinement avant de se retrouver dans une institution capable de s’occuper d’elle jour et nuit ; qui perd lentement le fil de sa mémoire et la maîtrise de son corps avec ce que cela suppose d’angoisses intermittentes lorsqu’on perçoit sa propre impuissance. C’est, indirectement, le portait de la jeune attentive, réconfortante, compréhensive, impuissante mais apaisante et quelquefois rassurante.

Tout est dit sans s’appesantir. La réalité est appréhendée dans ces facettes drolatiques, dramatiques, tendres, douloureuses, sereines, charnelles, affectives, complices. Nulle dramatisation, nul apitoiement mais une humanité fondamentale qui affronte sans révolte ni lamentation. La mort, ici, est naturelle comme elle doit être.

Les illustrations en contrepoint de Véroniques  Rouillier évitent aussi tout rappel réaliste dérisoire. Ce sont des  traces laissées par un pinceau sur des pages blanches, malhabiles, tâtonnantes mais d’une présence affirmée autant que fragile. Et ces partages  de mots et de signes avec le lecteur font du bien puisqu’ils rappellent que le destin de chacun est le même pour tous. Impossible de s’y soustraire. Autant apprendre à être prêt. Cela ne change rien à l’amour. Au contraire.

Michel Voiturier (28.04.2021)