Anne Staquet, Le Procès de Vanini, théâtre, éd.Audace, 2020, 50 p.,9 €

Anne Staquet est professeur de philosophie à l’Université de Mons. Elle s’intéresse notamment à l’expression de la pensée, et donc au théâtre.
Le 2 août 1618, le carmélite Jules César Vanini, qui s’était converti à l’anglicisme, et s’était ensuite défroqué pour le quitter, sans pour autant réintégrer son ordre, a été arrêté par le Parlement de Toulouse, pour blasphème et athéisme. Les actes de ce procès n’ont d’ailleurs pas été conservés.
Une pièce à huis clos, avec pour personnages l’accusé, le juge, le procureur, et la Vox populi, qui joue un peu le rôle du choeur, mais un choeur qui représente plutôt la foule des croyants, et ne cherche qu’à aggraver le délit ainsi que la peine.
Bien sûr, d’aitres procès célèbres ont eu lieu, dans les siècles qui ont précédé et suivi, dans l’histoire de l’Eglise, depuis celui de Galilée jusqu’aux disputes théologiques à propos du filioque (les trois personnes en Dieu), jusqu’à la fameuse bulle Unigenitus – la grâce divine suffit-elle à assurer le salut?
Ici, c’est visiblement le statut de notre Terre par rapport au Soleil qui est en jeu, comme pour Galilée: toute théologie qui se respecte ne doit-elle pas fournir aussi des vues pertinentes sur l’ordre de l’univers – comme sur l’ordre social? et les contrevenants ne sont-ils pas des hérétiques? Le grand débat entre la science et la religion, donc, qui se poursuit toujours, aujourd’hui encore, dans certains états du sud des Etats-Unis.
Vanini est un habile rhéteur, qui n’a rien à envier aux sophistes grecs. il sait à merveille embrouiller les arguments, un peu comme le faisait Socrate, jusqu’au moment où le procureur, exaspéré, profite du moindre faux pas pour le remettre…dans le mauvais chemin. Le juge, moins fûté, se laisse prendre au jeu, et à plus d’une reprise, donne raison au coupable Mais il se ressaisira à la fin, tandis que monte sans cesse la colère du choeur, qui craint de voir sa proie lui échapper.
Une pièce intéressante, pleine de vie, et qui, si elle nous ramène quelques siècles en arrière, nous rappelle aussi que les victoires de la raison sont toujours à remettre en cause, tout simplement parce que les certitudes absolues, les systèmes de pensée totalitaires n’ont pas partie liée avec la raison, et que les chemins du libre examen n’atteignent jamais à la certitude absolue, sans quoi ils n’auraient plus lieu d’exister. Ah, Zénon! Cruel Zénon!

Joseph Bodson

 

 

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