Anne Bonhomme Attendre poèmes éditions Le Coudrier, illustrations de Cathy Devylder (2024, 53 pages, 16 euros)
Dans les mots d’Anne Bonhomme la lumière agit en éclats suggérant la dispersion. Une sorte de transfert vers l’infini fortement couplé en craquements de glaciers semble agir en symbiose avec l’être et l’Univers.
Sur sa pause l’auteure est « esquif en route/ vers les souvenirs ». Il y a dans cette écriture « saisissement » dans le double sens du terme : celui qui exerce une sorte de stupeur angoissante et celui qui veut « saisir » jusqu’à l’instant ultime.
La beauté du texte est certainement dans ce doute qu’on retrouve parfois également chez un auteur comme JM Aubevert ,par exemple, qui, lui aussi, avait « beaucoup de mal avec les certitudes » tandis qu’Anne semble soumettre l’idée de « fin du monde » à l’idée même où chaque individu vivrait la sienne au moment de conclure son parcours personnel.
L’évocation de l’âme lui paraît la délivrance d’un corps pesant son poids de « soupirs ».
Les poètes ne vivent- ils pas, dans le fond, un peu entre deux mondes tant l’idée même du rêve s’avère flottaison entre lune, mousses, arbres et tout ce qui se révèle entre présence furtive et élévation transcendée de forêts noires et obscures ?
La volonté première d’ « enterrer les mots » ne suffit sans doute pas à « cet étrange murmure de la terre » dont on ne « guérit pas » tandis qu’à la lettre près on pense à l’inhumation d’un défunt.
Les brillantes illustrations de Cathy Devylder semblent évoquer à la fois le « trou noir » et les synapses suggérant peut-être cette âme libératrice qu’évoque si bien l’auteure : « Corps perdu car/l’âme s’est envolée/ corps délivré de/ tant de peurs ».
Et si l’âme était, en fait, pour l’auteure, cette étonnante écriture elle-même qui, avec brio, effleure de ses doutes le temps qui passe dans la salle d’attente de ses mots ? Attendre…certes…mais pas n’importe comment !
Patrick Devaux