Bertrand Misonne, Été 99, Éditions Academia, 2023, 280 pages, 22,50 €

Un fils, Bernard, en rupture de ban avec sa famille, enterre son père. Sa réaction : partir en voyage. À Chamonix, il fait la connaissance de celui qui sera le narrateur de leur expédition sans but précis. Pendant deux ou trois mois – l’Été 99 – ils partageront les mêmes aventures, les mêmes préoccupations. La Route – car ils ne prennent pas la route, c’est la Route qui les prend – les conduira en Italie, en Espagne, puis au Maroc. Telle est la trame de ce roman qu’on lit de bout en bout, de peur d’en perdre le sens, de s’égarer dans le dédale des mystères de la vie.

Le style est fluide. Les dialogues, très modernes, alternent avec le narratif teinté de rigueur classique. L’auteur ne dédaigne pas l’emploi du subjonctif imparfait. Les descriptions sont saisissantes, comme l’arrivée sur Gênes (page 78) ou l’approche d’un troupeau de dromadaires dans le désert (page 249). Les portraits aussi. Tel ce groupe d’amis rencontrés à Stresa, Lago Maggiore, dont le chef de file est Gianpaolo, antiquaire milanais haut en couleur. Ou encore ce guide marocain qui conduit les deux voyageurs en Fiat Panda 4×4 au milieu du désert. On trouve également dans ce roman d’excellentes analyses introspectives, par exemple lorsque le narrateur, séduit par la jeune Madeleine, évalue ses chances de conquérir le cœur de « celle qui fera de lui un homme ». Elle est belle, cette expression.

Ensuite, de nombreuses rencontres nourrissent le vécu de ces deux écorchés vifs en quête de sens : « Non, je n’ai pas de cap. Peut-être n’ai-je fait que ça durant ma courte existence d’adulte : fuir. Un avenir tout tracé, une jolie cage dorée… Fuir ! Mais pour trouver quoi ? » (Page 84) Car Été 99 est un roman d’initiation. À quoi ? À la vie, pardi ! Bernard vient de perdre son père. Il s’agit maintenant d’assumer son destin. Que lui a-t-il légué en héritage ? Outre les biens matériels qui importent peu, il lui laisse cette lettre à déchiffrer, dont le message n’apparaîtra que dans l’épilogue : « Mon fils, comment te dire ? » En filigrane transparaît la terrible difficulté de se dire l’essentiel, entre père et fils. Le drame est que souvent on n’y parvient qu’à l’heure de la mort.
Toutefois, cet ultime message n’est pas triste : « Tu cueilles le présent dans ta paume ouverte. » Tout ce roman est parcouru par un vent d’optimisme, de foi en l’avenir insufflé par le narrateur dans l’esprit de Bernard. L’auteur a réussi à créer un vivifiant mélange de gravité et de légèreté ! De surcroît, très bien écrit.

Jacques Goyens