Cendres d’Anne Duvivier roman éditions MEO (2021 14 euros)

L’intrigue menée de main de maître touche aux cendres comme on touche à la vie quotidienne. La situation n’en paraît que plus vraie : « La pièce est sombre. La table, jonchée de revues, d’outils de jardinage, de vaisselle. Alangui sur une chaise en rotin, un chat somnole. Par terre, des caisses empilées, un tapis roulé. Des chaussettes sèchent sur la terrasse. Le foutoir lui donne à penser que Paolo vit seul. Sans femme. Elle ne voudrait pas qu’il se méprenne sur ses intentions, d’autant qu’elle lui a promis d’aller boire un verre ensemble. Aussi, elle va droit au but ».
La vie est-elle cendres éparpillées ou à éparpiller autrement ? La cendre aurait elle une vocation utile cachée ? Utilisée subtilement, elle a ici parfois force d’humour. In fine, c’est le cas de le dire, la cendre d’un barbecue est-elle si différente de celle de ce qui reste de nos atomes une fois les nôtres épanouis « jusqu’au bout » et même après ?
La cendre peut-elle mener à la vie ? A l’intrigue ? A la prise de conscience ? : « Si seulement elle s’était occupée de lui des derniers mois de sa vie ! Egoïste. Elle a été égoïste. Et ça la poursuit ».
Une situation, a priori ressentie dramatiquement, peut se faire drôle, voire burlesque ou surréaliste avec la plume parfois humoristique d’Anne : « Elle secoue le sachet pour tenter de chasser un reste de cendres qui adhère au plastique, puis saisit sa brosse à dents et avec le manche de celle-ci parvient à ses fins. Pour ce qui est des cendres du barbecue qu’elle rajoute ensuite, elle ne fait pas tant de chichis, elle y va avec son doigt. L’opération terminée, elle secoue vigoureusement la boîte à thé ».
Et si tout cela nous rappelait ce « Life is short » repris dans le roman ?
A lire entre prétexte à vacances ou avec philosophie ? Sans doute un peu des deux.
Mais dans la danse des cendres, les pas sont-ils bien ceux que l’on croise ? Quand sommes-nous morts ou vivants ?
Dans tous les cas de figure, l’intrigue renaît de…ses cendres !
Et quel plaisir de trouver dans un tel contexte la parade à l’acceptation avec quelques vers célèbres : « Mon enfant, ma sœur, songe à la douceur…Là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté », Anne citant, notamment Baudelaire entre ses mots.
Cendres éparpillées ou secrets dévoilés ? Reste à voir pour les secrets. Et…peut-être aussi pour les cendres ? Qui sait !

Patrick Devaux