Colette Nys-Mazure/Colette Ottmann, Jardins empans du rêve, poèmes, l’Atelier des Noyers,  Claire Delbard, 7, rue des Noyers, F-21160 Perrigny-lès-Dijon, 10 €.

Un titre rare, pour un recueil qui ne l’est pas moins .L’empan, en effet, est une ancienne mesure qui correspond à la distance entre le sommet du pouce et celui de l’auriculaire, main ouverte. Autrement dit: un demi-pied. Et c’est particulièrement bien adapté: le jardin est à la mesure à la fois de la main et du pied du jardinier. Main ouvrière et besogneuse, pied du jardinier qui est aussi arpenteur…et promeneur. Promeneuses ici, car Colette Nys-Mazure s’est fait accompagner par Colette Ottmann, Ce qui nous donne des textes et des peintures aux couleurs de rêve, un peu sourdes, un peu enchevêtrées, qui s’interpénètrent et parfois se confondent. Car ici, bien sûr, c’est le rêve qui gouverne, et laisse aller, subtilement, les promeneuses d’un étang à un jardin clos, de l’enfant qui compte sur ses doigts, qui en bâtit châteaux de rêve et d’Espagne…Plus me plaît mon petit Liré que le Mont Palatin…Poésie universelle et particulière, car nous avons tous été cet enfant qui s’approprie le monde en un tour de main, le monde-jardin, avant d’apprendre que si les jardins se ressemblent, il n’en est point d’identiques.

C’est ainsi qu’elle nous dit: J’écris au crayon / dans la paume de ma main /         Les vocables rétifs.

ou encore: Figures libres de libellules bleues. Et ailleurs: Au vif de son être/    chacun cultive un jardin en accord/ selon  son voeu le plus intime.

Allier ainsi l’ordre le plus secret et la liberté buissonnière et saisonnière, n’est-ce pas la part la plus subtile de l’art des jardins? Et tous ces hôtes infimes, qui nous accompagnent à l’empan de ces allées, Hôtes de passage, / provisoires et fervents, pourrions-nous souhaiter plus intime et doux cortège? A l’heure dernière / le regard s’accrochera/    à la rose trémière /    balancée à la fenêtre. La mort, elle aussi, serait-elle affaire de saison,, puisque, comme le dit Fontenelle, De mémoire de rose, on n’a vu mourir un jardinier, Le jardin comme image, au seuil du rêve, et l’empan des étoiles, dans le décamètre du jardinier? Je ne sais trop, mais je vous conseillerais volontiers de rêver devant l’une des peintures de Colette Ottman, et la citation de Colette Nys-Mazure, au dos de la couverture: L’amour des jardins / s’enracine haut / dans l’enfance. Et vous, y allez-vous souvent, dans vos souvenirs d’enfant?

Joseph Bodson