Dominique Aguessy, Bleus d’aurore, poèmes, éditions du Cygne, préface de Piet Lincken, 2021, 104 p., 13 €.
Un peu comme sur la belle photo de couverture, ces poèmes, longs ou brefs, se déroulent sous nos yeux, tantôt d’altitude moyenne, et proches de la prose, et puis perce soudain un pic, de la plus haute poésie, intense, et brillant de tous ses feux, étincelant comme un diamant. Un peu aussi à l’image de la vie, toute faite, elle aussi, de son quotidien souvent lourd à porter, et puis de ces moments qui sont des moments d’éternité. Things of beauty are a joy for ever, comme disait Keats.
Mais, écoutons la plutôt.
Des propos volés aux songes / miroirs aux mensonges / reviennent hanter les redites / ignorant leur faillite. (p.13)
Peu importe où je naquis / l’errance fut un maître / menant l’élève apeurée / par-delà pics et vallées. (p.16)
Mauve des lavandes / printemps en vue / à pas pèlerins / renouvelés (p.25) Comment dire mieux la nécessité d’aller vers la beauté du monde, et la nécessité de la persévérance ?
La nuit couve la voie / sous son burnous de soie / une pluie d’étoiles filantes / annoncent l’amante (p.29)
Entre peurs et doutes / au-delà des lisières / toute lumière / retourne à sa source (p.31) Comment mieux rappeler le Tu ne me chercherais pas, si tu ne m’avais déjà trouvé ? Non point perpétuel recommencement, mais la peine, et la fatigue de la marche, qui approfondissent la présence.
Et ces deux quatrains encore, pp. 32 et 33, qui contiennent toute une philosophie de l’existence :
Sacrifier son être / au souci de paraître / signe la défaite / de toutes trajectoires.
Tant que fleurira le printemps / l’aube succédant à la nuit / le mystère te sera plus proche / que l’illusion de la nuit.
Voilà. Je vous laisse là, à mi-chemin, à mi-côte. Le reste, c’est Dominique qui vous le dira, dans ce style inimitable qui est le sien. Elle est là, au bout du chemin, dans le bleu du ciel naissant sur l’horizon des montagnes. Un bleu qui a double sens, car il est aussi marque de peine et de coups :
Des bleus à l’âme / de leurs trames renouées / à mille lieues de distance / des ondes se reconnaissent.
…comme le guetteur attend l’aurore. Comme le disait déjà, à l’exergue, Li Baï, dans sa Route de Shu :
Que la route est difficile, plus difficile que de monter au ciel bleu.
Joseph Bodson