Evelyne Wilwerth La vie en robe rose et noire , nouvelles, éditions Le Coudrier, préface de Philippe Leuckx, illustration d’Anita De Meyer ( 170 pages, 22 euros, 2024)

Avec ses nouvelles courtes et efficaces Evelyne rend la situation « familière » en attribuant, en titre, un prénom. D’une nouvelle à l’autre tout paraît crédible en étant en même temps « surréel » si on parle de réalité « augmentée » tant les situations sont bousculées dans la vie de ses différents protagonistes. Le lecteur se posera parfois des questions sur la situation définitive comme dans « Baby Renard » où un enfant soliloque dans un break horrible avec des parents qu’il déteste. Un détail parfois prend de l’importance transposé dans une autre nouvelle où un « parasol orange » prend une autre dimension. D’une nouvelle à l’autre on peut ainsi se régler sur l’un ou l’autre fil conducteur comme l’est l’unité de temps puisque toutes les évocations se passent un 21 mars, à des heures différentes calibrées à la minute près : « Cinéma 9 heures 06 Alissar Attaquer la salle rouge. Et pas question de nettoyer à la va vite avec ce patron exigeant. Son sourire, oh oui. Plutôt charmeur. Mais dans ses yeux une autorité d’acier. N’empêche que… Alissar surprend ses mouvements pendant dix secondes, en espérant que les nombreuses caméras roupillent encore, poings fermés ». Avec un sens avéré du scénario et de la mise en scène, Evelyne surprend le lecteur qui, se faisant son propre film, se retrouve totalement bousculé par la situation et la chute souvent subtile autant qu’audacieuse.
Qui connaît l’auteure retrouvera parfois son humour tranquille au tournant d’une mise en scène où Evelyne excelle puisque, comme on le sait, grande connaisseuse du monde des planches.
Lire Evelyne, c’est entrer dans une « cabine- photo » et en sortir différent ou différemment : « Cabine photo 12 heures 10 Claudie et Baptiste/…/ Là, devant elle, un pantalon brun. Dans la cabine photo. Un homme, probablement, et qui semble à genoux. Elle s’approche à pas de souris. Elle en est une d’ailleurs avec ses vêtements et chignon gris. Oui. Un homme en pantalon brun. Et elle l’entend marmonner. Coincé entre le siège et la paroi. Bizarre position pour une prise de photos. Qui seront royalement ratées ! ».
Essayez…Vous verrez…ça fonctionne !
La photo, en couverture, d’Anita De Meyer renvoie habillement à l’attitude intellectuelle de l’auteure tandis que Philippe Leuckx, dans sa préface nous dit qu’Evelyne nous « donne des gages pour rameuter la vie ».  Entre perception et voyages, l’auteure évoque à plusieurs reprises les rails : « Olivia / …/Une voix déformée annonce un retard de deux minutes. Du coup elle va offrir encore un peu de spectacle à tous ces humains franchement cloches. Alors elle trace. Et les gens s’écartent. Elle jouit ».

Avec ces nouvelles on comprend bien le plaisir d’écrire, d’inventer et, bien sûr…de lire !

Patrick Devaux