Francis Groff, Casse-tête à Cointe, roman, Weyrich, coll. Noir Corbeau, 254 pp.

Francis Groff est journaliste en presse écrite, radio et télévision, et il a remporté plusieurs prix pour ses reportages. Nous avons rendu compte (avec plaisir) de ses polars précédents, parus chez le même éditeur.

Ici, l’action se passe à Cointe, sur les hauteurs de Liège, un quartier un peu oublié, mais riche en bâtiments désaffectés, l’Observatoire notamment (l’ancien, car le nouveau se trouve à présent de l’autre côté de la Meuse.) Et justement…savez-vous ce que c’est qu’un urbex? Moi non plus. C’est Francis Groff qui me l’a appris.

Mais ça commence très fort, pour ces deux jeunes, garçon et fille, qui se livrent à l’urbex et à l’escape game…Les voilà, tout d’un coup, avec un cadavre sur les bras…Une femme sans tête, pour tout vous dire.

Oui, ça commence très fort, et puis cela se calme…l’enquête suit son cours, avec d’inévitables aléas.. Stanislas Barberian, bouquiniste averti et enquêteur bénévole, nous promène d’un bout à l’autre de Liège, dans les haut-fonds comme dans les bas-fonds de la ville et de la société. Petit à petit, des réponses se profilent. C’est que la qualité principale d’un bon reporter, c’est la curiosité, et que Francis Groff, tout comme son enquêteur, n’en manque pas. Nous en apprendrons des choses, en cours de route, et tout le quartier, nous sera vite familier, comme si nous y avions toujours habité, grâce au petit plan placé au début du livre, et au déroulement de l’enquête. Il y aura aussi, quelques allusions, brèves mais bien marquées, à la vie littéraire: le passage du Laitier, où vous trouverez inscrit sur les dalles un poème de Béatrice Libert, un article de journal sur le décès d’Henri Vernes, les ouvrages de nos amis Christian Libens et de Guy Delhasse sur la littérature en Wallonie.

Mais… le suspense se poursuit…et c’est là, justement, que réside tout l’art de l’écrivain. Après avoir éveillé assez vivement, tout de même, notre curiosité, dans le dédale de l’ancien Observatoire, il nous fait languir..On a retrouvé la tête, mais ça ne résout pas le problème. Et puis soudain, les évènements se précipitent…Il y a des jours où les évènements se bousculent à un rythme tel qu’on en viendrait à penser qu’ils ont été provoqués par un esprit malin. Une sorte de « grand  déstabilisateur de l’univers » qui, au contraire de son collègue architecte, prendrait un grand plaisir à foutre le bordel en ce bas monde. Et voilà, ça repart, et sur les chapeaux de roues. Je ne vous raconterai pas la suite, je laisse ce soin à Francis Groff.

Mais pour vous, romanciers ou apprentis romanciers, prenez-en de la graine: dans un récit, policier ou non, le rythme joue un rôle essentiel, c’est un peu la baguette du magicien, et le magicien, le grand déstabilisateur, c’est…Francis Groff en personne, à moins que ce ne soit son Barberian. On finirait bien par les confondre, et ça, c’est le fin du fin…

Joseph Bodson