Françoise Duesberg, Couple, roman, Academia-L’Harmattan, 2020 (205 pages, 20 euros)
Au départ, la narratrice retrace le parcours de vie de ses parents, Freddy et Jacqueline. On est tenté de penser : « Encore un récit de vie ». Sauf que celui-ci est particulier à plus d’un titre. Tout d’abord le texte se déploie sur deux plans parallèles : celui des parents et celui de la narratrice, transcrit en italique. Ce dernier fait de l’écrivaine-narratrice une partie prenante dans leur parcours de vie. A partir de photos, de lettres, de deux cassettes enregistrées et de quelques souvenirs de conversations, Françoise Duesberg tente de reconstituer leur histoire. Comme elle ne sait pas tout, elle compose à sa manière les séquences manquantes. Ainsi en est-il de l’Hôtel de la Chapelle où elle raconte avec beaucoup de pudeur « la première fois » du couple.
Deux périodes sont particulièrement développées : l’enfance et l’adolescence, lorsque les deux protagonistes ne se connaissent pas encore, et ensuite la rencontre à l’Université et les années d’études. En revanche on trouve peu d’informations sur les années ’60 et suivantes. Pendant un demi-siècle, le parcours de vie de ce couple se déroule sans histoires, comme s’il s’agissait d’une parenthèse entre la vie et la mort, relatée avec précision de 2013 à 2017. Il en résulte un sentiment de fuite du temps, de brièveté de l’existence tendue comme un fil toujours prêt à se rompre entre la jeunesse et la vieillesse.
De nombreux thèmes sont abordés dans ce récit-roman. Les années de guerre constituent le prétexte à notations sur les problèmes de survie pendant l’occupation allemande. La question juive est également évoquée. L’ouvrage contient aussi des remarques d’ordre sociologique, à savoir les usages relatifs aux fiançailles, au mariage et à la vie en couple dans les années d’après-guerre. C’est donc à une véritable sociologie des deux familles, celle de Freddy et celle de Jacqueline, que nous assistons, avec leurs caractéristiques propres.
Il semble bien que le ciment qui a soudé ce couple, ce sont les études philologiques, les livres et la vie intellectuelle. Enfin il y a la problématique de la fin de vie que Françoise Duesberg aborde avec une totale franchise et qu’elle ne pouvait passer sous silence vu la méthode adoptée par les protagonistes.
L’itinéraire de vie de ce couple, à la fois singulier et semblable à des milliers d’autres, ne pouvait laisser indifférente celle qui était appelée à en recueillir l’héritage moral. Après les considérations généalogiques vient le temps des interrogations identitaires : « Et moi, qui suis-je ? » C’est que, dans ce récit de vie qui se veut aussi roman, la narratrice ne s’efface jamais. Sa présence en filigrane parcourt tout le livre, y compris les pages où elle n’était pas née. Et bien sûr, elle entend survivre à leur décès. Même la démolition de leur maison n’aura pas raison de cette volonté qui s’incarne dans l’écriture. D’où le titre du dernier chapitre : Avoir écrit (automne 2019).
Jacques Goyens