Gérard Platevoet, Rameonch’laches, tome1, ill. de Pierre Montignis. 172 pp, Labelpages, Vaux, 2023. Tél. 069/228.339 – info@labelpages.com

Simplement parce que l’auteur est éclectique, nous dit la page 4 de couverture . Vous pourrez lire avec délectation ses poésies, textes en prose, contes, monologues, billets d’humeur, chansons…Tout est ramonchelé (mis en tas) et vous, lecteur, au détour de chaque page, y trouverez (ou pas) votre bonheur.
On ne peut mieux dire, sinon que, selon moi, le ou pas est superfétatoire : Il faudrait être mélancolique, atrabilaire, grognon, ennemi de la bonne chère et du bien dire, pour renâcler devant ce plantureux menu, et cette richesse verbale, ce don de l’invention saugrenue mais de haulte graisse que nous ont concocté là Gérard Platevoet, membre du Cabaret Wallon Tournaisien, et son complice Pierre Montignis. Alors, arrière, vous tous, dyspeptiques, coquecigrues et grands dépendeurs d’andouilles, et place à ce plantureux régal. Alcofibras Nasier n’est pas loin.
Vous le savez sans doute, en notre bon peuple wallon, on s’embrasse volontiers. Mais le tout n’est pas d’embrasser ou pas, quand il s’agit d’embrasser les dames, encore faudrait-il savoir comment.
Orvéneons à nos baisses. Si te rinqueontes pou l’ prumière feos l’ femme ou l’ compane d’ein amisse ou eine copine de t’ femme, t’avinches, in même temps, t’ main et t’ visache, juste ein peo. Ainsin, ch’est elle qui queusit. I-arrive souvint qu’ te finis pa li faire eine baisse in même temps qu’ te li serres la main. Cha permet adeon d’ controler l’ distance, obin l’approche.
I n’est bin seûr pos questieon d’ faire des baisses à grands bras obin des baisses à pinchettes et acore moins des baisses à bouquette. Alfeos cha peut advénir par accidint. Cha ch’est quand te n’ sais pos pa dû c’mmincher. Guéauche droite obin droite guéauche. Si chaquein i s’ lanche, l’ ein à droite, l’ eaute à guéauche, te t’ortrwéfes tous les deux au mitan, bouque à bouque. Cha peut ête agréape, mais ch’est tout d’ même imbarrassant et cha peut déméplaire. Te t’escusses, mais cha pourreot ête eine beonne intame de conversatieon. I n’te feaut pos garchenner t’n avantache si l’feimme i rosit ein p’tit queop…et que t’ feimme i-a d’meuré à t’ maseon.
Attintieon aux neunettes. Si t’as tous les deux des neunettes, cha poque et ch’est l’accidint. Au meilleu, cha part ed’bigorne ; au pire, cha bourielle à tierre avé toutes les misères y attenant.
« Revenons à nos baisers. Si tu rencontres pour la première fois la femme ou la compagne d’un ami ou une copine de ta femme, tu avances, en même temps, ta main et ton visage, juste un peu. Ainsi, c’est elle qui choisit. Il arrive souvent que tu finis par lui donner un baiser en même temps que tu lui serres la main. Ça permet alors de contrôler la distance, ou l’approche.
Il n’est bien sûr pas question de donner des baisers à grands bras, des baisers en suçons ou des baisers sur la bouche. Ça peut parfois arriver par accident. C’est dans le cas où tu ne saurais par où commencer. Gauche-droite ou droite-gauche. Si chacun se lance, l’un à droite et l’autre à gauche, on se retrouve tous les deux au milieu, bouche à bouche. Ça peut être agréable, mais c’est embarrassant et ça peut déplaire. Tu t’excuses, mais cela pourrait être un bon début de conversation. Il ne faut pas gaspiller ton avantage si la femme rosit un peu et…que la tienne est restée à la maison.
Attention aux lunettes. Si tous deux portent des lunettes, elles se cognent et c’est l’accident. Au mieux, elles se mettent de travers ; au pire, elles tombent par terre avec tous, les dégâts qui en découlent.
Et je ne vous donne là qu’un petit extrait. Je passe sous silence toutes les odeurs, suaves ou saumâtres, qui peuvent accompagner les baisers, les contacts un peu rugueux, et le nombre de baisers que l’on se donne en se rencontrant, en France, en Belgique et à Tournai. C’est une vraie encyclopédie.
Mais il ne faudrait pas croire que le premier volume de cette anthologie platevoetienne soit de nature égrillarde du début à la fin. Y trouvent place aussi beaucoup de textes, et de poèmes, où sont évoqués avec une belle douceur de pinceau et une légèreté de touche qui ne nuisent en rien à la précision du rendu, les faits et les méfaits de notre petite enfance, avec, comme il est bien naturel dans ces picardes ramintevances, une belle place pour nos amies les bêtes…Des baisers, des enfants et des bestiaux, petits et grands, n’est-ce pas là un menu affriolant ?
Et je vous garde le second volume au chaud, pour la bonne bouche…

Joseph Bodson