Guy Delhasse Bourg d’enfance récit éditions Murmure des soirs (2024,277 pages, 15 euros)

Guy Delhasse remet une époque à l’heure des souvenirs d’enfance : « Pour le moment- 9 juillet – une modeste berline de la régie Renault, conduite par le père Delhasse, ramène de Verviers quatre gosses ensardinés sur son étroite banquette. Nous ne savons de notre future demeure que ce qu’elle a bien voulu nous montrer lors de nos explorations/…/Oui, nous sommes si jeunes, si farfadets dans la vie que la villa nous apparait comme un château et les parents les seigneurs de la parcelle ».
A lire on ne sait si le souvenir est réel ou idéalisé mais le style, qui donne envie, à chaque page, d’en savoir plus, suscite une sorte d’intrigue faisant évoluer un quartier et une famille. On y retrouve tout le rappel d’une époque avec l’expo de 58, Tintin sur la lune et Jacques Brel chantant « Le plat pays ». Guy évoque cette période dite de « croissance » au détriment du paysage de la vallée de l’Ourthe. L’époque est celle des rôles convenus pour le ménage type, Guy décrivant un monde désormais disparu sinon dans les souvenirs des plus anciens d’entre nous.
L’intérêt du livre est d’évoquer non la « petite histoire » dans la « Grande », mais bien le ressenti d’enfance traduisant une époque de manière quasi documentée.
Parmi plusieurs enfants de la fratrie Guy est assez discret et plutôt observateur, évoquant une structure familiale plutôt stricte qui rappellera bien des souvenirs à certains.
Le tour de force est bien celui d’écrire en « langage d’enfant » tandis que l’amour de Liège, ville perçue comme une sorte de « Paradis » germe dans les neurones du futur écrivain : « Car je sens Liège grandir en moi au fil des visites. Je suis en ma ville, j’ai besoin d’elle, je me sens très tôt relié à elle parce que ma mère m’y indique les lieux où elle a ses habitudes ».
La découverte de l’écriture elle-même s’annonce suivant les critères de l’époque quand l’auteur rappelle : « Nous lisons à haute voix des phrases amusantes qui n’existent jamais en dehors de la classe – : Riri a ri ».
Le récit peut s’avérer découverte pour la jeune génération qui doit se demander si tout cela a réellement existé tandis que les Liégeois, eux, se souviendront ou retrouveront des lieux précis, lieux dits ou souvenirs divers tel celui de cette course cycliste : « L’édition 66 est marquante car, en compagnie de notre voisin Ulysse, nous sommes dans la côte des Forges pour saluer la chevauchée solitaire du grand Anquetil/…/ Je lui préfère Raymond Poulidor/…/Et nos compatriotes ? Tous flamands, excepté ce longiforme anglais habitant la Wallonie, un certain Michaël Wright ».
Quel que soit le souvenir abordé il se rend utile au récit de manière très précise, documentée et introvertie point de vue émotions restituées ensuite par une écriture fluide et agréable à lire même quand l’auteur évoque le côté social ou sociétal : « la solidité du couple parental passe par la cohérence, l’accord, mais pas par des marques de complicité sensuelle ».
Le tout pourrait bien se lire comme on visionne un ancien album de famille tant l’auteur rend sa démarche proche et, d’une certaine façon, plutôt même universelle que seulement locale.

Patrick Devaux