Confidences   de Gwen Guégan     poèmes  éditions Le Chat Polaire   été 2020 (12 euros)

Dans ce recueil la profondeur du ressenti donne de l’élan à l’isolement pour en faire quelque chose de positif et participatif. Ces textes sont à la fois un cri et un appel.

Le cri est entendu et l’auteure en a pleine conscience.

Marqués chronologiquement d’un « J de confinement », les mots sont sans concession par rapport à l’angoisse ambiante et font office de détonateur à un genre de décompte qu’on espère avoir une fin salutaire :

« 20 avril 2020. Confinement Jour 36/ Dans son confort onirique/ mon intérieur se rétracte/ de mon imaginaire qui s’étend/ de mes émotions débordantes ».

Les mots procèdent de la révolte, l’auteure ne voulant pas accepter l’ordre établi proposé :

« Je ne veux pas m’habituer/ à la gestuelle des barrières/ à la fermeture des frontières/ je ne veux pas m’habituer/ à l’excès de surveillance/ à l’aveugle obéissance ».

Si un demi-siècle après mai-68, les réseaux sociaux semblent faire office de zone de refuge aux expressions d’une liberté de fait très contrôlée avec une sorte de fausse compagnie globalisée, il y a bien le ressenti d’une crainte empêchant d’agir :

« 6 mai 2020 Confinement Jour 51 / Et si j’avais peur de sortir/ me retrouver perdue, dissociée/ dans un monde plus déshumanisé / limité dans ses manifestations », la crainte semblant davantage se faire sentir pour la suite des évènements que venant d’un vécu en prises directes.

Ce sont des confidences directement axées sur une actualité vivement ressentie et observée presque cliniquement, révélant les symptômes avec une chronologie dosée à la manière d’un journal de bord.

Genre « bouteille à la mer », les confidences sont illustrées de dessins assez anonymes de manière à susciter une intériorité brisée dans ses fondements mais qui ne demande qu’à éclore.

Avec des battements de cœur mis sous cloche ou un être recroquevillé en dedans de sa précarité illustrée d’un crâne enveloppant pourtant la vie, l’acte se veut défi d’être, de briser les non-dits en interpellant le lecteur dans ses propres fondements avec un message clair pour la génération montante :

« Pour toi/ je veux semer des graines/ de tendresse/ de beauté/de sensibilité/ de poésie/ de douceur/C’est le peu que je puisse faire/ à cet instant ». Pour ces derniers mots, on peut se dire que ce n’est déjà pas si mal !

Patrick Devaux