Jean-Pierre OTTE Mes anticorps éditions Le temps qu’il fait, aphorismes (2023, 20 euros, 162 pages).

Ecrire comme Jean-Pierre Otte c’est écrire « autrement » et comme personne. S’il aime la marche et le vin, l’épicurien aime également les mots avec pour motivation une réalité personnelle forte : « L’enjeu est de parvenir à la perception d’un réel qui ne soit pas englué en nous-mêmes. De ne plus se ressembler en rien et de se faire à une autre façon d’être dans le présent ».
Rien ne l’effraie si ce n’est l’absence réelle de quelque chose : « la mort sans laquelle aucune vie passionnante n’est possible : si elle n’existait pas, il faudrait l’inventer ».
Conscient d’être de passage, sa lucidité d’esprit force régulièrement l’admiration qu’il ne recherche en aucun cas : « On ne devrait jamais vivre assez longtemps pour être autre chose qu’un amateur éclairé ».
Pour autant, Jean-Pierre peut se satisfaire du doute quand il s’exprime avec « Identité et déité » en sous-titre d’un de ses chapitres d’idées reprises : « Nous sommes nés de l’absence et de la nuit : cette situation nous rend absolument modernes ! C’est-à-dire, en proie au vide intérieur ».
Les anticorps permettent une résistance lucide pour celui qui « rêve d’un monde livresque où, pour tels maux ou tel mal-être, il y aurait une poésie à prescrire, un roman à recommander, une philosophie à préconiser ».
L’auteur partage ainsi ici ses idées personnelles sur la vie, sur sa démarche, avec également un certain sens de l’isolement utile : « Isolé de soi, on est aussi bien isolé du monde. Isolé du monde, on est aussi bien isolé de soi. Si une conscience s’éveille, elle n’a prise sur rien. On loge dans l’inconsistance ». N’est-ce pas le propre du penseur, de l’écrivain ? Ceci sans « exclure rien ni personne » mais en incluant « tout et tout un chacun ». Ne nous dit-il pas que « le pouvoir poétique est dans la disponibilité », rappelant « L’Otium », l’oisiveté positive et méditative chère aux Romains ?

Patrick Devaux