Jean-Pierre Vanderstraeten, L’Académie luxembourgeoise (1934-2019), Voyage à travers ses cahiers éditions Traces de vie, 2022, 145 pp., 15 €.

C’est à un travail de longue patience que s’est attelé là notre ami Jean-Pierre Vanderstraeten. Mais travail combien nécessaire, quand on se remémore les réalisations, les expositions, les études qui ont jalonné ces années du siècle passé et du début de celui-ci. Il va donc à belle allure, numéro par numéro, car beaucoup d’entre eux couvrent un assez grand nombre d’années, il y eut des périodes de deuil, des périodes aussi de long silence.

Au point de départ: une exposition à à Arlon en 1934, Le visage du Luxembourg, avec pour mot d’ordre Ressusciter pour un moment un pays tout entier tel qu’il a été autrefois. Un initiateur: le docteur Jean Hollenfelz, érudit, mais aussi résistant qui sera fusillé par l’occupant en 1944. A ses côtés, le gouverneur Fernand van den Corput, Thomas Braun, Paul Reuter, le bourgmestre d’Arlon. La première séance aura lieu le 17 novembre. Mais il y aura aussi des réunions au domaine de Colpach, appartenant à Emile Mayrisch, l’un des fondateurs de l’ARBED, et à son épouse, qui connait bon nombre d’écrivains français de renom, Gide et Claudel entre autres. C’est madame van den Corput qui sera la première présidente.

Nous aurions beau faire de suivre l’auteur, cahier par cahier. Disons seulement qu’il s’agit là d’un travail d’une minutie extrême, j’oserais presque dire un travail de dentellière. Rien n’est oublié, mais ce n’est pas une sèche énumération:  Jean-Pierre Vanderstraeten s’est attaché à recréer l’esprit de chaque période, et à tracer un portrait singulièrement vivant des principaux protagonistes. Nous relèverons donc, à sa suite, les faits les plus saillants. Ainsi, à la page 19, est évoquée la vie du Dr. Hollenfelz, passionné de musique, et actif lors de la reconstruction de l’abbaye d’Orval. Page 21, le poète Thomas Braun, qui lia amitié avec Claudel, Jammes, Pierre Nothomb, Adrien de Prémorel. Soreil, l’auteur de Rude Ardenne, l’un des livres les plus évocateurs de l’Ardenne, peintre très exact de ses habitants et de leur vie quotidienne. Des peintres aussi: Albert Raty, né sourd et muet, et Marie Howet. Hélas, à la nuit de la Toussaint 1948, un incendie détruira le centre culturel de Vresse, qui contenait beaucoup de leurs oeuvres.

Les années vont se suivre, depuis le cahier 1, 1937 dirigé par Marcel Bourguignon, et consacré à la succession de Jean-Mathias Aldringen. Le 2, lui,présentera la faïencerie d’Attert, par le Dr Hollenfelz. Le 3, dû à Charles Guilleaume, est un essai de géographie physique sur le plateau des Hautes Fagnes. Le 4, Mélanges de folklore luxembourgeois, par Jean Hollenfelz, souligne le contraste de l’époque avec le vieux temps qui l’a précédée. Il y aura encore des anthologies de poètes du Luxembourg, les années noires de la guerre, bien sûr, et puis une période d’expositions diverses, même en dehors de la province, et de manifestations diverses, mais sans cahiers. Ce sera le temps bientôt de Pierre Nothomb, avec ses rêves politiques, ses oeuvres littéraires, son influence. Quelques noms encore:  Edmond Fouss, Pierre Clerdent, Roger Greisch, Georges Bouillon, surtout, dont la Dryade sera un véritable foyer de culture littéraire et humaniste. Un Cahier 2, en 1963, sera consacré aux Journées du Groupement européen des Ardennes et de l’Eifel. En 1964, Cahier 4, consacré à Jean Hollenfelz. Cahier 5 en 1971, avec l’admission d’Hubert Juin et de Mgr Massaux. Dans le Cahier 6, 1972, Carlo Bronne, l’un de nos historiens les plus fins, auteur de nombreuses études, dont l’ Hôtêl de l’Aigle noir, à Liège, notamment, fut.l’un des sujets. Dans le Cahier 7/1973-1974, Jean Mergeai présente Maurice Grévisse. Un cahier 8 en 1980 traitera de Pierre Nothomb et du nationalisme belge, tandis que Roger Brucher dans le cahier 9-10 de 1978 parlera de poètes français du Luxembourg belge. notamment de Francis André, et Guy Denis fait sont entrée en scène. Cahier 11-12: Identité culturelle et société en pays de Luxembourg. Dans le 13-14, 1993, les peintres son mis à l’honneur, notamment notre ami Pierre Chariot, et Albert Dasnoy., et l’on relève les signatures de Frédéric Kiesel et de Carlo Masoni. Le Cahier 17 sera consacré au pays de Virton, avec une étude de Paul Mathieu. Dans le 19, en 2002, un autre enfant du pays, artisan et industriel celui-là, Nestor Martin., tandis que le 20 de 2004 sera consacré au pays d’Arlon.. Le 21 de 2005 lui aussi sera consacré à l’industrie:  Au pays du fer, de l’eau et de la fumée. Notamment, bien sûr, la métallurgie d’Athus. En 2005 aussi, entrée d’Armel Job et de Michel Francard. 22, 2008: Hommage à Jean Mergeai et Pierre Nothomb. A propos de Nothomb, n’oublions pas de rappeler le beau livre récent d’Annemarie Trekker, l’épouse de notre auteur: La maison du vieil homme est comme un poème, dont nous avons rendu compte. Et, à propos de Champenois, assassin célèbre par ses fugues à travers bois, une belle évocation d’une conversation en train entre Jean Mergeai et Philippe Greisch. Un autre monde, où les gens voyageaient encore en train, et se parlaient, d’une banquette à l’autre, comme jadis auprès des chenets…Le 23: Au fil de la Semois, qui le méritait bien. Les Français y eurent leur place, Mazarin et Napoléon III. Ah là là…ces deux-là! Heureusement, il y eut aussi, chez nous, Chateaubriand. 4 en 2011: Dossier sur la vie musicale en province de Luxembourg. Un mot sur Francis Chenot, passionné de chansons. 25 en 2013, sur les peintres, et sur  Edmond Dune, avec un beau texte d’André Doms. 26 en 2014, le Cahier des 80 ans. C’est à présent Guy Denis, qui préside aux destinées de l’Académie, avec beaucoup de panache. Une belle évocation du métier de galeriste. 28 en 2016, Quelques pas ici et là, notamment à propos du photographe Edmond Dauchot. bien sûr aussi, la Fondation de Habay, qui permit l’établissement de la Bénédiction de la Forêt. Et, en 2017: Quelques pas sur les planches, consacré au théâtre, avec une exposition: 130 ans de théâtre belge, de Maeterlinck à Guy Denis. Dans le Cahier 30, 2018: Francis André, poète et paysan. Et le 31 viendra clôturer la série, à propos du journalisme dans le Luxembourg belge. Il y sera question notamment des dossiers d’Annemarie Trekker dans 4 Millions 4.

Une belle récolte…et un fier démenti à tous ceux qui considèrent notre Luxembourg comme une région morte, ou triste, ou monotone…Bien au contraire, un vrai foyer de vie, artistique et autre, et comme le dit sa devise, avec toujours une ardeur d’avance…

 

Joseph Bodosn