Joseph Bodson Bruxelles Babel Babylone …et autre lieux poèmes éditions Audace (10 euros, 39 pages, 2024 )

Avec ces poèmes, les mouvements de foule, les couloirs des bibliothèques et le dictionnaire semblent faire l’objet d’une source humaine unique, celle de la diversité. Les mouettes volent  dans un monde que le poète semble ne pas reconnaître tandis que se fait vive la « nostalgie ». Avec « passe-temps » il y a là une sorte de Petit Poucet à clous. Si les marchands du Temple semblent devenus des marchands de santé: « Tout fait ventre tout fait bourse/Autant de malades, autant de médecins/Et le bonheur des uns/Vient du malheur des autres  » , un très discret rouge-gorge se veut très poétique : « Avant la pluie/L’oiseau qui chante avant la pluie/A perdu trois petites plumes rouges/Sur la margelle du puits ». Symboliquement « l’aveugle de la gare du Luxembourg » nous ramène à de vieux moments d’enfance rappelant à la fois le temps qui s’écoule et cette « Loterie Nationale » qui ramène à la loterie de la vie. On entend l’auteur parler quand il dénonce, avec une touche moralisatrice : « mais il faudrait apprendre aux gens/A rire intelligemment/Leur apprendre à vivre/De ce rire nourrissant ».
Au-delà des apparences une touche de surréalisme étiquetée en collages suggérant une dénonciation anonyme fait mouche par l’apposition des caractères. L’auteur passe ainsi de propos sérieux à la chanson possible avec son rythme personnel et plus particulièrement avec le poème « lorsqu’on s’en va » suggérant la valse. En citant Cesare Pavese (« La mort viendra, Elle aura tes yeux ») , Joseph Bodson fait, en quelques mots ce raccourci entre la vie et son échéance , entre l’amour et la vie.
Joseph serait-il lui-même ce « pèlerin sans joie sur les voies de l’improbable » ? Un humour raisonné rappelant le grand Prévert parcourt le recueil avec subtilité : « L’histoire finit ainsi/Parce que je n’ai plus de rimes/C’est ce qui arrive aux poètes/Quand ils racontent/Des histoires sans queue ni tête ».
Joseph a le ton du raconteur. C’est tout un exploit de le mettre en mots.

Patrick Devaux