Laurent Dabe, 500 Expressions pour le dire en wallon, rue Basse, 2, 6760 Vieux-Virton, michelfreres@skynet.be

Un nouveau recueil de rvazis (proverbes)? de spots (surnoms)? Une série de monographies  touchant aux parlers populaires, à la vie quotidienne d’autrefois, à Saint-Hubert, mais aussi ailleurs? Un peu de tout cela, mais en tout cas un volume épais de quasi 300 pages, où l’on ne s’ennuie pas. J’y ai trouvé pas mal de renseignements sur des sujets qui m’intéressaient fort, les loups, le diable, les pierres levées, la culture et le traitement du lin…De quoi se régaler, pour les amateurs de régionalisme, mais aussi pour les autres. Laurent Dabe n’en est pas, d’ailleurs, à son coup d’essai: il a publié, déjà, plusieurs livres sur l’histoire locale et la vie populaire de sa région.

Cet ouvrage-ci se subdivise comme suit: 1) Facile: c’est littéralement le même en français 2) Expressions-répliques: à une question en français, répondez en wallon 3) Le caractère: les mots pour le dire 4) Le physique: les mots pour le dire 5) La citation française et son pendant wallon. Donc, pas de problème pour le nouvel apprenant en wallon. Et surtout, comme nous le disions, un livre attrayant par son caractère enjoué, et les connaissances étendues de l’auteur en tout ce qui concerne le passé de notre région. Le passé, mais aussi le présent, car, comme le dit un rvazi africain: celui qui veut voir loin commence par regarder derrière lui.

Tenez, un exemple, ce sera plus parlant, et vous verrez combien Laurent Dabe est conteur dans l’âme, p.69, entrée 112: On n’ lî dinrit ninj dja deûs gades a dèscopler, On ne lui donnerait même pas deux chèvres à découpler. Variante de la précédente (I n’ sôrit dja dèscramiè deûs gades, Il ne saurait déjà démêler deux chèvres, NDLR), qui lui permet d’évoquer le dernier chevrier de Saint-Hubert.

Même si le troupeau s’est amenuisé  par rapport à cette photo antérieure, le chevrier poursuit et termine sa carrière après la dernière guerre.

A cette époque, Joseph Titeux, justement surnommé Joseph « dès gades », vient corner pour battre le rappel des bêtes, le matin, auprès de l’hôtel de ville. « Bèrdjî » et « gadlî », il gagne alors, par la rue de Lavaux où il empoigne sa besace, les hauteurs du « bork » (bourg), du côté de l’aérodrome. Célibataire comme cela arrive souvent dans le métier, nous le voyons ici à gauche à « Lavaux » en compagnie de son jeune frère Emile. Nos aînés, le sourire aux lèvres, se racontent encore cette anecdote à propos de Joseph « des gades ». Une personne de passage lui demande le chemin. Les mains occupées, Joseph lui montre alors la direction avec son pied. L’autre, choquée, le traite alors de « grossier », à quoi Joseph répond: « Oh bin, si tè veyès m’ fré, il est co bin pus gros k’ mi! » (Oh bin, si tu voyais mon frère, il est encore bien plus gros que moi!)

Bien souvent, un proverbe de Saint-Hubert vous remettra en mémoire un proverbe de votre région, avec parfois de légères différences…preuve s’il en fallait de la vogue de ces proverbes, qui, de région en région, finissent par couvrir toute notre Wallonie.

Et ainsi, au fil des pages, des rapports inattendus se tissent. Et, comme dans les veillée d’autrefois, en passant en revue les caractères, Les mots pour le dire, c’est Pierre, Pol ou Jacques, ou bien telle couleur de cheveux, tel personnage haut en couleurs qui seront évoqués, par un rvazi, par une histoire: les amis inséparables ( Saint Roch et son chien), les vieux amoureux (Cè n’ èst nin pask’i gn-è dol nîve su l’ twèt k’i gn-è pont  d’ fû dins l’èce, Ce n’est pas parce qu’il y a de la neige sur le toit qu’il n’y a pas de feu dans l’âtre.) Pour les bigames, ce sera la paire de Bagimont, que je vous laisse découvrir – il y a plusieurs versions. Pour les buveurs, Il è stî spanu avu one ceuwe dè sorèt, Il a été sevré avec une queue de sauret, et vous ferez la connaissance de Jules Tchiou, ainsi nommé parce que sa femme venait de Chéoux (Rendeux). Et celui-ci, qui n’est pas mal non plus: I spôrgnèt po achtè on vèlo, mês il è co beû l’ guidon ahîr…,Il épargnait pour acheter un vélo, mais il a encore bu le guidon hier. Le dépensier entraîne bien sûr l’histoire de la Gade d’ ôr (la chèvre d’or), l’enjôleur, qui promet plus de beurre que de maquée, nous entraînera bien sûr, à évoquer la fabrication de celle-ci…

Non, je vous l’assure, vous ne vous ennuierez pas en feuilletant ce livre…en attendant que ce maudit Covid vienne ajouter sa note sombre à tout notre paysage, proverbes compris…

Joseph Bodson

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