Laurent Hendschel, Saqwantès fauvirètes di d’Yute di d’ ci, Les cahiers wallons, juillet-août 2025, 50 pp.
C’est une heureuse surprise, et une bonne idée de Bernard Louis, d’avoir repris ici des textes d’un recueil de Laurent Hendschel paru en 1994.
Cela posait quelques problèmes au niveau de l’orthographe : Laurent Hendschel s’était en effet rallié au r’fondu, et utilisait à la fois le lexique de l’est et de l’ouest wallon. Bernard Louis a résolu le problème avec bonheur, et nous ne nous y attarderons pas ici.
Ce qui importe surtout, me semble-t-il, c’est le ton de ces histoires, un ton dont je ne connais pas d’équivalent en notre littérature wallonne, un ton pétri d’humour et d’ironie, avec une pointe de non- sense, qui lui apporte son originalité. Un mélange, si vous voulez, de Swift, d’Hofmann et d’Edgar Poë (et ce n’est guère qu’un à peu près)…Un ton qui laisse, à la fin de chaque conte, le lecteur un peu pantois, l’impression de se sentir un pied dans le rêve, un pied dans la réalité. Tout l’art du suspense…De plus, il ose parler du sexe, chose rare en wallon, et il le fait avec beaucoup de naturel.
Ainsi, p.10, ce bout de dialogue : » Maman m’aveut pris su s’ choû : /-Est-ce qui vos n’ vos sintoz nin trop mérseu ? m’a-t-èle dimandé. // Dji n’ sé pus çu qu’ dj’a rèspondu. Quéquefîye qui dj’èsteu co trop p’tit po comprinde on si malaujîy mot : « mérseû « .
C’est peut-être ici la clé du livre, qui nous emmènera, d’humour en sarcasme, au pays du fantastique (mais c’est celui de Marcel Aymé plutôt que celui de Jean Ray ou Thomas Owen).
Un pays où c’est l’alouette qui tient le miroir, un pays où le mendiant mange sa main et garde l’autre pour demain, où les nutons, chassés par la télévision, prennent leur revanche, où Dieu dialogue avec le Diable, et qui sait qui l’emportera. Un pays où l’être humain se démultiplie, jusqu’au moment où le texte lui-même finit par se multiplier. Où le personnage du feuilleton prend la parole pour raconter son histoire.
Il a l’air de donner un air nouveau à des récits anciens. C’est le principe même de la littérature populaire. Et c’est un bien grand art, celui-là qui mêle le lecteur lui-même, ou l’auditeur lui –même, dans la trame de ses raconteries.
Joseph Bodson