Michel Joiret, Noir comme le melon de Magritte, préface de Joseph Bodson, Le Coudrier, 2020

Ces longs poèmes/prose poétique sont une invitation au voyage, une déambulation à la fois réelle et rêvée dans le pays de Magritte. Des souvenirs – d’enfance ou un peu moins lointains- remontent, en tout cas ce qu’il en reste, en partie défaits en partie transformés, mais sans doute l’auteur ne le sait-il pas toujours lui-même car ne dit-on pas que les choses sont parfois plus (ou moins) belles à l’intérieur du souvenir…

On feuillette un album d’images, un livre d’heures raconté dans une superbe écriture poétique. Des textes tissés de nostalgies douces, du regret un peu vague de ce qu’on a peut-être laissé passer. Comme le dit Joseph Bodson dans sa préface, « Tout se rattache aux sens, rien qu’aux sens », tout est affaire de sensations enfouies et retrouvées, et tout fait sens, même si c’est bien des années plus tard.

On fera halte à Bruxelles, vue d’une « Petite fenêtre sur Grand-Place/Caravelle flottant entre la vie et moi/Mon deux pièces comme un mille feuilles/Papiers partout/Taches de poèmes aquarellés par les eaux usées/ (…), ensuite, dans les creux ensommeillés des Ardennes où « Chaque tronc couché a sa résonance et sa fêlure ». L’on prendra le train, « Caravane des wagons lourds caracolant entre les paumes des terrils », pour Saint-Ghislain, « Noir comme le melon de Magritte/Noir comme un pays sans grâce ». Bien sûr l’on se posera un moment à Liège, « Rien que des immeubles assis/ Des étages aux rideaux noirs et des autobus filant une laine de vent sur le trop long métier des quais/ (…) Simenon comme un fleuve au-dessus de la ville », ainsi que dans « l’encre indélébile » du pays de Charleroi. L’on atteindra nos lisières, à Charleville… même si « Beaucoup de Charleville ignorent/ (…) /Que de la même eau coulent des gréements différents/(…)/Qu’il n’y a pas d’autre passeur que nous-mêmes/et que c’est toujours soi qu’on traverse de part en part ». L’on terminera le voyage sur les terres de Piétrain aux « Jardins boueux crayonnés de maquis/(…)/Pays de vent/Pays de traces ».

Le livre est un poème d’amour à la Belgique. C’est aussi un voyage dans le temps, un peu mélancolique, méditatif, attachant et riche d’émotions qui, à mes yeux, renvoie d’une certaine manière, aux « voyages du Non-Dit » …

Martine Rouhart

de