Nathalie Boutiau, Dans les mains de ma mère ,poèmes, L’Harmattan, 2025, 107 pp., 13 €
Des poèmes d’une grande discrétion et d’une tendresse profondes, où les textes en italiques alternent avec ceux en caractères romains, dans une sorte de dialogue auquel se mêlent des réflexions plus personnelles, et des considérations de plus haute portée. Mais l’ensemble forme un tissu très cohérent.
« Reconquérir mon enfance / dans tes bras,/ dans les plis de ta peau incendiée, /dans ceux de ma mémoire »
Ainsi, dès la première strophe, le « matériel » se trouve-t-il intimement mêlé à la pensée, au souvenir, leur prêtant une humanité plus profonde, plus ancrée dans la musique des jours et des nuits.
Mais l’entreprise est hasardeuse, car le fil qui nous unit à nos proches disparus est bien ténu :
« C’était il y a bien longtemps déjà./ Il ne reste que ce fil accroché entre nous,/suspendu,/qui s’étire jusqu’à s’usure »
Le vocabulaire, on le voit, est très simple et très concret, sans aucune fioriture, et la tonalité, elle aussi, relève du quotidien. Les choses, dans leur usure, le temps, dans son déroulement hasardeux, sont ici évoqués dans le dépouillement et la simplicité. Et cela porte, cela place le lecteur dans une atmosphère musicale, certes, et colorée même parfois, mais qui est celle du recueillement. Comme une source fraiche où l’on plonge les mains. Comme un air de flûte qui va et qui vient, avec le temps, avec les saisons. « Un monde qui serait à la frontière du rêve et de l’oubli »(p.67)
Mais en fin de compte, il semble bien que ce soit la vie et non la mort qui l’emporte en cette confrontation essentielle de l’être et du non-être. On songe, un peu, à la confrontation entre la Mort et le Chevalier, dans le tableau de Dûrer.
Alternances du souvenir et de l’oubli. Le temps, notre temps, leur temps, serait-il perdu ? Et toute vie, une recherche du temps passé, du temps perdu, passionnée, désespérée parfois,
« Comment comprendre la vie qui s’en va ? /Comment compter ces quelques heures qui / s’émiettent dans ma mémoire ?/ Je t’écris en vers / Je t’écris en vers et contre tout, pour ne rien oublier de toi. // Cette nuit, j’ai revu qui tu étais./ Ce n’était pas un rêve, c’était toi./ Où s’en vont les gens qu’on aime quand ils nous quittent ? / Est-ce une fuite de peur qu’on les rattrape ? » (p.97)
Et elle ajoute, plus loin : « Il n’y a que la distance entre toi et moi qui montre que tout est réel »
La vie serait-elle la sœur du rêve ? L’homme et la femme, l’ombre d’un rêve ?
Elle nous donne la réponse, sa réponse, mais qui peut être aussi la nôtre, dans le tout dernier poème : « Si tu comprends ce que je dis, maman, / Si tu comprends vraiment//Alors, tu verras dans ce lieu de l’intime, / tu verras que tout peut être achevé, // Désormais ».
Non, ce n’est pas une bouteille à la mer. C’est un livre de vie.
Joseph Bodson