Nathalie Boutiau, L’audace d’exister, essai, Academia, (2022, 115 pages, 14 euros).

Des témoignages poignants et un plaidoyer qui met en avant les combats des femmes pour leurs droits.
Nathalie Boutiau a donné la parole à des femmes d’origines différentes habitant en Belgique et recueilli leurs témoignages, via l’association Egalité & Solidarité au Féminin de la région de Huy.
Elle a ensuite retranscrit leurs histoires dans une belle écriture, avec ses mots fluides et sensibles.
Nous croisons les destins de la Camerounaise Marie-Thérèse, arrivée en Belgique comme demandeur d’asile, victime des violences d’un mari dévoré par la jalousie ; d’Elsa, devenue une battante après avoir subi à huit ans des viols de la part de son grand-père, et longtemps incapable d’en souffler mot ; d’Aya, jeune femme turque habitant en Belgique qui, malgré sa peur de faire souffrir ses enfants, parvient à quitter un homme méprisant et violent ; de la douce Virginie, amoureuse ne doutant de rien, se retrouvant vite aux prises d’un mari qui la rabaissait sans cesse ; de Dounia, marocaine, mariée par « arrangement familial » à un compatriote résidant à Namur, devenue mère et, une fois encore, totalement dépendante d’un mari qui n’avait pour elle aucun respect ; de Véronique, trop longtemps victime d’un alcoolique ; de MJ qui, pour échapper à une mère fort peu aimante, se marie à quinze ans à un homme menteur et manipulateur ; et puis d’ Audrey, battue par son père et enfin, de Lucie.
Le point commun entre ces femmes, c’est la force de résistance, la volonté d’en sortir, malgré les chaînes qui les retiennent, malgré leur sentiment de solitude, ce sont les luttes de tous les jours pour retrouver une dignité.
Des phrases reviennent qui, sans aucun doute devraient encourager « toutes les autres » à oser s’exprimer, comme « Le plus dur, ce fut le premier pas. Les autres suivent, nécessairement ». « Le plus difficile, c’était de prendre la décision. Le plus difficile, c’était de partir »…
Toutes s’en sont plus ou moins sorties et toutes lancent aux autres femmes un message: ne pas supporter si longtemps / trouver quelqu’un à qui parler/ tourner la page et avancer/ ne pas laisser la peur prendre le dessus /chercher son indépendance/ne jamais perdre espoir/ ne pas se dévaloriser, se faire confiance/ne pas hésiter à demander de l’aide/…
Certaines réussissent même à construire réellement quelque chose de fort sur le gâchis, comme Véronique devenue personne-relais qui écoute et aide des femmes blessées, ou Audrey qui se libère grâce au pardon accordé à son père malade.
La seconde partie de l’ouvrage retrace l’histoire et le pourquoi des inégalités. Il constitue un plaidoyer juste, équilibré, efficace qui, sans jamais tomber dans des excès quelconques, insiste sur les droits tout à fait légitimes réclamés par les femmes au même titre que pourraient le faire des hommes.
Un livre féministe, humaniste, nécessaire, centré sur l’essentiel, le vital, mettant l’accent sur des souffrances inadmissibles et des combats auxquels chacun ne peut qu’adhérer.
Dans l’espoir de mettre sur pied un monde meilleur.

Martine Rouhart