Pierre Coran et Dina Melnikova, A tire d’aile, Cotcotcot éditions, www.cotcotcotéditions.com. Coll. Matière vivante, n°3, 10,90 €

Un livre qui ravira les grandes personnes – celles que l’on appelle ainsi, du moins – aussi bien que les enfants. A peine s’est-il ouvert qu’une libellule s’en échappe…Il faut dire qu’il est imprimé en Belgique avec des encres végétales, et relié par L’Ouvroir, entreprise de travail adapté.
Les couleurs sont légères et caressantes, autant que les dessins sont surprenants. Du bleu pâle au vert tendre, avec du jaune et du blanc légers qui s’y adaptent. Telles des ailes de libellule frôlant la surface d’un étang, par un bel été. Dessins n’est sans doute pas le mot qu’il faut, c’est plutôt un filet, un ensemble de camaïeux, d’ailes transparentes, sitôt vues, sitôt envolées. Ou bien encore, de ces petits cubes de mosaïques que l’on trouve dans les villas anciennes. Avec tout un bruissement de mots qui se jouent entre eux…et qui semblent se poursuivre en une incessante partie de cache-cache.
Un peu, pourrait-on dire, comme pour un livre d’enfants – car il faut un esprit d’enfant pour concevoir tout cela, et avec une telle légèreté. Comme les zig-zag de la libellule, ils semblent se suivre et se poursuivre, les mots, comme une poussière légère, et ils nous parlent de choses à la fois proches et lointaines, comme une invite au partage, si ce n’est à l’envol…Ainsi : « et qui revoilà ? » « à tire d’aile ». Je vous laisse deviner la réponse, surgissant d’un fouillis de feuilles mortes, de fougères et de nervures, soulevant soudain un hourvari, un vent coulis de jaune et de vert, et redessinant l’ombre blanche de la demoiselle tantôt envolée.
Des mots qui se rassemblent pourtant, pour dessiner un vol de gratitude…
Quelques mots, quelques couleurs, un peu de matière légère comme les ailes, une ébauche d’histoire, brève, quasi instantanée, mais c’est un instant d’éternité, l’un de ceux-là qui viennent, qui reviennent plutôt, se poser sur votre épaule, ou sur un rideau de fenêtre, dans un rai de couleurs et de lumière…L’antithèse de l’oubli…

Joseph Bodson