Rémi Bertrand, Poil de cul roux, Asmodée Edern éd., 2025, 382 pp, 25 euros
Non, non, rassurez- vous, ce n’est pas un site porno, ni un traité de théologie. Mais alors, qu’est-ce qui fait courir Remi Bertrand ? Eh bien, c’est assez difficile à définir, car il y a un peu de tout, dans ce livre, qui n’est pas un roman non plus : de l’ethno- psychologie, vu qu’il n‘y a plus d’indigènes à répertorier, de la sociologie appliquée à la vie quotidienne, de la zwanze, comme on dirait à Bruxelles, de l’autobiographie, et même de la médecine et de la biologie. De la critique littéraire, aussi, mais pas trop, une masse d’érudition – il faut tout de même rester sérieux, et puis, cela protège..
Trêve de plaisanterie, parcourons ensemble les premières pages, voulez-vous : ainsi, p.5 :
« Je suis roux.
Je le sais, on me l’a dit.
Pas la peine de vous prévenir, je suis de mauvais poil. »
On ne fait pas mieux en matière de captatio benevolentiae…
Et ça continue, p.6 :
« Erratum.
La première ne me l’a pas dit.
Elle l’a dit à la sage-femme.
D’ailleurs pas pour m’être désagréable, au contraire. Mais comment aurais-je pu en prendre la mesure ? J’ignorais que, dans cette intention, ça n’arriverait plus.
Maman :
Je n’ai pas eu le sexe, mais j’ai la couleur !
C’est par cette annonce que je fis mon dépistage auditif.
Je fus informé de ma rousseur avant de l’être de mon nom. »
Et voilà, le ton est donné. Que tous les roux et les rousses de la terre se réjouissent, ils ont trouvé leur défenseur. Après Jules Renard, bien sûr, qui sera d’ailleurs abondamment cité.
Je ne dois plus vous faire l’éloge, je crois, de Rémi Bertrand, de son style fulgurant, de ses réparties inattendues, de la verve de ses aphorismes…Avec, de temps à autre, une touche de mélancolie (noire, bien sûr), et surtout la nostalgie (qui n’est plus ce qu’elle était).
Ces 382 pages, un vrai marathon, à peine le temps de souffler – et surtout pas le temps de s’ennuyer. C’est du costaud, du dense, du bien envoyé, et je vous y promets des plaisirs divers, à tous et à toutes, que vous soyez roux ou bien allo, car cela vous concerne aussi : comment traitez- vous les roux de votre voisinage ? Le rire trop facile, ici comme ailleurs, est toujours un rire bête. Et, sous le voile du rire Remi Bertrand cache, au nom de tous les roux, bien des souffrances.
En fin de volume, vous trouverez d’ailleurs « L’Album de Poil-de-cul roux. » Homme, il n’y a point ici de moquerie », aurait dit François Villon. Et je vous citerai encore, pour bien faire, une brève tirée de cet album (ah ! ces couleurs, on n’en sort pas !).C’est à la page 297. Vous voyez, on avance, c’est un livre qui se dévore :
– « Vous connaissez l’histoire de Paf le rouquin ?
– Non…
– C’est l’histoire d’un rouquin qui sort de chez lui, et paf le rouquin ! »

Joseph Bodson