Thierry Werts Le monde rêvé d’Alva Teimosa, roman, éditions La trace (16 euros, 131 pages, 2023)

« Le monde rêvé d’Alva Teimosa» révèle une ambiance insoupçonnée mêlant l’écoute de Martine, greffière au Palais de Justice de Bruxelles, à la vie d’une jeune juge, Alva, récemment nommée au Tribunal de la Jeunesse et en proie à l’obsession d’une maternité qui n’aboutit pas (« Ce qui existait il y a peu/ n’était déjà plus que/manque./Néant/ Demain ne serait plus jamais pareil/ Alva pleurait/ sa vie rêvée »), tandis qu’elle doit prendre en considération le « placement » en famille d’enfants issus de milieux inadaptés à leur cause.
Le rapprochement entre les deux femmes devient une évidence : « Rare mais intense leur connivence charnelle comblait Martine. Il y a des corps que l’on connait. On ne sait pas depuis quand. On les sait. C’est tout ».
Disposé de façon originale, le texte fait plusieurs fois, avec Martine, référence à la poésie, notamment en reprenant des extraits du poète Jack Keguenne, ce qui n’est pas pour déplaire (« Aux discours du désir ne pas trouver de terme »).
Par ailleurs, une intrigue supplémentaire se noue autour du dossier des « Silvero », un couple malchanceux et désespéré des décisions judiciaires prises à son égard.
Entre la jeune juge du Tribunal de la Jeunesse et la greffière un désaccord s’installe tandis qu’Alva tente une curieuse approche des Silvero.
Jusqu’où peut-on aller pour satisfaire une obsession ?
On est emporté par ce roman efficace jusqu’à la dernière ligne quand se mêlent à l’intrigue …la jalousie et la passion : « Des larmes avaient coulé sur sa joue/ Martine devait se rendre à l’évidence/ Elle ne serait bientôt plus que greffière/ Elle n’était déjà plus/que/ greffière ».
Magistrat, l’auteur connait les rouages de la justice et rend bien, outre l’ambiance d’un milieu, celle qui règne dans le quartier bruxellois du célèbre Palais aux éternels échafaudages.

Patrick Devaux