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Gérard Adam, De l’existence de dieu(x) dans le tram 56Bruxelles, M.E.O., 198 p. (18€)

Les nouvelles réunies par Gérard Adam sous ce titre aussi insolite que narquois sont sous-tendues par deux éléments : la mémoire qui se teinte de nostalgie (« trouver un sens à ma remémoration », écrit-il) et une ouverture à un multiculturalisme pacifiant à travers une « macédoine d’êtres et de pensées » en espérance « d’un monde polyphonique ». C’est dire que la tonalité de l’ouvrage sera, d’une part, une certaine hargne vis-à-vis des dysfonctionnements et paradoxes de notre actuelle société ; d’autre part, la tendresse lucide de l’humanisme ouvert de quelqu’un qui a « trop bourlingué pour être angélique ».

Il s’agit de fictions, même si, proches par moments de l’autofiction, elles sont à l’évidence nourries par l’autobiographique. Leurs sujets sont puisés dans le quotidien ordinaire de la Belgique prospère même si elle est « acariâtre en instance de divorce », pays de Bob Morane et de Magritte ou de Zorglub autant que d’un curé jouant ‘L’Internationale’ à l’harmonium : celui des trajets en tram, celui de la Leffe brune, celui de l’Exposition universelle de 1958, celui des vieillissants en chemin vers la mort, celui des sans papiers parqués dans des centres plus ou moins fermés, celui de l’intégration de différentes générations d’immigrés.

Mais aussi dans son quotidien dérangeant comme l’éventuelle scission du pays, l’évasion du sieur Dutroux, les petites corruptions cachant les grandes, les faillites bancaires ; quotidien aussi des chômeurs à l’ « univers ratatiné », celui d’enseignants encore animés malgré leur travail ingrat, celui du planton d’un président de conseil d’administration, celui du harcèlement des démarchages téléphoniques, celui d’un grand-père soucieux de sa petite-fille… En arrière-fond, les soubresauts du monde : guerre au Zaïre et en Bosnie, génocide au Rwanda, crise économique européenne en Grèce et ailleurs, mouvement des indignés de Stéphane Hessel, etc.

Tout ceci ne mène cependant pas vers un livre voué à la grisaille du misérabilisme. L‘humour n’est jamais loin et sa causticité qu’elle soit du registre de l’ironie ou de la remarque acide est décapante.

Gérard Adam a « toujours été contestatairement incorrect ». Il aime remettre en place (c’est-à-dire déplacer) les vérités toutes faites, qu’elles soient historiques ou politiques. Il cherche à retrouver et à prôner l’humain. Et cela fait du bien en dépit d’un certain pessimisme !

L’ensemble possède sa diversité. Et l’une des caractéristiques du style de l’auteur permet au lecteur de mieux cerner les êtres et les événements décrits : l’accumulation. En effet, comme une caméra qui explore, l’inventaire aide à la prise de conscience de la multiplicité des éléments constituant un réel que chacun n‘appréhende souvent que sous un seul angle de vision. Cela nous est donné avec « ce mélange de scepticisme et d’enthousiasme sans lequel il n’est rien d’authentique ».

Michel Voiturier