Daniel Hubert, A m’pourmoûnant das mès souv’nances, Promenade dans mes souvenirs,vol.4, Ma p’tite édition, 2020. Illustrations de Francine Sosson, rue de Jéhonville, 18, 6890 Ochamps.

Nous avons rendu compte précédemment des trois premiers fascicules de la publication des nouvelles de Daniel Hubert Le lecteur retrouvera ici, avec plaisir ,les mêmes qualités de vivacité de drôlerie, en un gaumais qui sent bon le terroir.
La première nouvelle, La musique, évoque l’apprentissage musical d’un jeune garçon. Apprentissage avec des professeurs sévères, même s’ils prêtent parfois à rire.
La seconde, Ma première sètche, nous révèle un apprentissage tout aussi sévère, celui du tabac. De mon temps, c’est un apprentissage qui se faisait lors de la retraite précédant la communion solennelle. Il est vrai que ce n’est pas le curé qui y présidait. Ici, cela se fait en plusieurs étapes: tout d’abord, dans une cabane en bois, proche du château de Trablôye, on tire sur une branchette de « fume-bois », mais le résultat n’est pas très convaincant. De la « pouchellerie ». Du coup, l’un des gamins se propose pour dérober à sa grand-mère une boîte en fer, venant d’un vieil oncle décédé, où il rangeait sa provision de cigarettes. Un pactole: nos lascars vont y trouver des Saint-Michel, des Gitanes, des Belga…et l’on se donne rendez-vous dans une petite grotte à l’écart du village. « Dj’allans les essayi tourtoutes’, qu’i dit l’Simon a douvrant deux trois paquets. « Dj’allans coummaci pas les vartes », dis’t-i a nous tadant les cigârettes St Michel. Djè sôrte les allumettes de ma potche peu à tchacun note tou, dj’alleumans note cigârette èt djè commaçans tourtous à térer. Gn’è l’copain Thierry qui tousse in paû mâs ça n’l’empétche mi d’continuer. Djé tèrans, tèrans à r’choufflant d’la fumaye toute blûe.
« Ca n’est m’ ainlà qui faut fâre », dit l’Simon, « i faut avaler la fumâye avant d’la fâre ressôrti pa l’nez. »
(…)
On toussout, toussout, pire l’inque, pire l’aûte. Peûs l’Thierry è coummaçi à avoir maû l’ vate. « I faut qu’dj’alliche duhors prenre l’air », dit-il, djé n’a peux pus, djè n’seus’ m’ trop bin. » Eune minute après, el vellà qui raplique à bizant. « Faut l’ver l’camp, djè vons d’oyi des voix da les bûchons en bache. I m’sène qui gn’è des gens qui v’nant touci. A m’n’avis, djé sans r’pérés. »
« Nous allons les essayer toute », dit le Simon,, en ouvrant deux ou trois paquets. « Nous allons commencer par les vertes », dit-il en nous tendant les cigarettes St Michel. Je sors les allumettes de ma poche puis à chacun notre tour, nous allumons notre cigarette et nous commençons tous à tirer. Il y a le copain Thierry qui tousse un peu, mais ça ne l’empêche pas de continuer. Nous tirons, tirons en soufflant de la fumée toute bleue. « Ce n’est pas comme cela qu’il faut faire », dit le Simon, « il faut avaler la fumée avant de la faire ressortir par le nez. »
(…)
On toussait, toussait, pire un, pire l’autre. Pui le Thierry commencé à avoir mal au ventre. « Il faut que j’aille dehors prendre l’air », dit-il, « je n’en peux plus, je ne suis pas trop bien ». Une minute après, le voilà qui revient en courant. « Il faut lever le camp, je viens d’entendre des voix dans les buissons en bas. Il me semble qu’il y a des gens qui viennent ici. A mon avis, nous sommes repérés. »
Vient ensuite El pètit Jésus, d’après un texte de l’Yves Deschamps, adapté par Julos Beaucarne, avec l’autorisation), et, pour terminer, Cé n’atout ni’ èm djou! (Ce n’était pas mon jour), les mésaventures d’un soldat qui était de garde non loin du Palais Royal, et qui oublia de saluer le drapeau lors de la relève de la Garde à cheval.
Un ton primesautier, un peu farceur, le sens du groupe, de l’amitié…que souhaiter de mieux en ces temps qui n’inspirent guère la joie?

Joseph Bodson

Daniel Hubert, collaborateur de la revue Vès l’ comprenez co, est n’é à Meix-devant-Virton le 23 juin 1958. Il a appris le gaumais grâce à ses grands-parents qui vivaient avec la famille. Fin 2018, il a créé un groupe sur Facebook: Patois gaumais.

PS: Chez le même éditeur, viennent de paraître des Notions de base de la grammaire du gaumais, par Georges Themelin. Je vous donne ci-dessous un extrait de la page 4 de couverture: Georges Themelin, ancien enseignant dans le primaire, a toujours été passionné par le patois gaumais (…) C’est à Dampicourt qu’il a composé son dictionnaire français-lorrain paru en 1999, aujourd’hui introuvable. Largement augmentée, la toute nouvelle édition est attendue avec impatience…

(…) Avec un guide pratique comme celui-ci, nul doute que plus d’un patoisant se dira que  prendre la plume devient un besoin, pour soi-même sans doute, mais aussi pour la transmission de nos traditions, de nos us et de nos coutumes, de la vie dans nos régions.

Jean-Luc Geoffroy