Anne Duvivier EDEN BEACH 1970 roman éditions MEO 5 2023 (195 pages, 18 euros)

La vie de Charlotte se trouve bousculée tandis que son mari, avec qui elle devait partir en week-end, lui avoue une liaison.
Charlotte décide de lui faire ressentir un certain manque et se rend pour quelques jours à « Eden Beach », un carrefour de jeunes gens branchés « peace and love » où elle fait d’emblée la rencontre de Cookie, une jeune femme ouverte sur l’ambiance concernée.
De fil en aiguille le lecteur assiste à la métamorphose de la personne en très peu de temps. De serveuse maladroite, beaucoup du fait de son éducation stricte et très bourgeoise, n’ayant que peu travaillé avec une formation de sténodactylo, elle devient avisée non seulement à se rendre utile pour les autres mais surtout pour elle-même aux contacts de plusieurs personnes aux caractères bien typés.
Le roman annonce une société en mouvance et pousse la jeune femme au questionnement par rapport à ses souvenirs, son éducation : « Elle rêvait de se marier, robe blanche et tout le tsoin-tsoin. Même si elle n’était pas pressée d’avoir des enfants, s’occuper de ses sœurs les rares jours de congé de Zelle l’avait refroidie/…/A la Sainte Vierge, elle ne faisait qu’à moitié confiance, avoir un gosse par l’intermédiaire du Saint-Esprit lui semblait louche/…/ A confesse, elle s’accusait de péchés qu’elle n’avait pas commis ». On remarque ainsi également le contexte strict d’une éducation religieuse.
La préoccupation de savoir où se trouve Miguel, son mari, et de vouloir lui téléphoner est récurrente même si la jeune femme va découvrir des plaisirs à priori non recherchés mais découverts au fil des circonstances avec John et ensuite au milieu d’une ambiance de secte.
D’autres approches de la nouvelle société en marche – nous sommes en 1970 – vont appréhender le contexte de la pilule, les manifestations pour les droits élémentaires des personnes de couleur en révélant également des faits historiques, la lutte pour le droit à l’avortement, chacun des contextes étant révélés avec aussi la situation qui prédominait autrefois, avant les bouleversements, ceci à travers les différents personnages du roman. L’évolution de la condition des femmes est particulièrement bien évoquée.
Les générations sont ainsi régulièrement mises en « opposition » dans leurs idées et leurs choix, la personne s’affirmant, in fine, par rapport à ses proches familiaux.
Le contexte de la guerre du Vietnam n’est pas oublié avec les choix possibles pour éviter de se rendre sur les lieux.
Les différents intervenants ont leurs faiblesses propres et personne n’y échappe, ce qui rend le roman très humain et les personnages attachants, même ceux à priori les moins sympathiques.
L’intrigue est bien menée. Tandis que le lecteur se fait son cinéma, il se passe tout autre chose et ce à plusieurs niveaux.
Les dialogues sont fluides et la romancière recourt régulièrement à l’introspection, ce qui donne au roman différentes approches des personnages à des moments différents de leurs existences avec parfois les explications de leur état d’être du moment.
Les personnes qui ont vécu l’époque se retrouveront sans doute dans l’une ou l’autre des séquences parfois très scénarisées même si une époque n’échappe pas à ses propres clichés .

Patrick Devaux