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La romancière passe de la fiction à l’auto-fiction, comme elle le fit, par le passé, de la peinture à l’écriture, avec cette envie irrésistible de s’exprimer plus fort encore, plus intimement, plus librement surtout, en allant puiser dans sa vaste palette d’expériences tout ce qui pourrait faire d’elle un « vrai » personnage. Si ses héroïnes l’emmenaient naguère sur des chemins imprévus qu’il était captivant de suivre, pourquoi, se dit-elle aujourd’hui, ne pas s’emboîter le pas et mettre sur papier son propre mic-mac, son sacré fatras, son grand foutoir, qui est d’ailleurs celui de pas mal de femmes de sa génération ? Du moins celles qui ont navigué un peu beaucoup de travers, dans les reflux des sixties, entre des amours précaires, des mariages impromptus, des recommencements à l’infini, des adultères ratés, et encore et toujours des rencontres incroyables qui font croire qu’il reste à saisir des aventures à vivre à fond, même « entre quarante ans et la mort »…Ecrire sur soi, sur ses proches, ses héros domestiques, grand-père de prestige, père fantasque et égocentrique, mère perdue à jamais, mamy adorée, rivale honnie et ces Jules à en égarer la liste et la mémoire, sauf le dernier pour la route, avec lequel il serait peut-être possible d’entreprendre enfin une histoire qui ne devrait plus s’inventer mais simplement s’accomplir pleinement, sans recourir à ce narcissisme désespéré, cette rage de mettre sur papier, comme un anti-ride sur la peau, ses victoires sans lendemain, ses fières défaites et ses rouges reflets d’ une ardente jeunesse. Ecrire, écrire, peindre, créer, avant la fin du monde. C’est ce défi fébrile et obsédant que se lance ainsi, entre l’âge et le mirage, une sexygénairequi n’a rien perdu, par bonheur, de sa verve et de sa franchise et qui s’y entend encore férocement dans l’art derégler ses comptes. Ses comptes ou ses contes, est-elle forcée d’avouer car le vécu et l’imaginaire, la nostalgie et le fantasme s’entremêlent à l’envi dans ce torrent de mots, jetés à la va-vite parfois, dans l’urgence, comme si Les Années Victoire, ce tsunami de turbulences, de dérapages et de coups d’épée dans la lave de la libido, de la fureur de vivre, allaient se fracasser bientôt sur un mur d’impuissance et de regrets, de silence insupportable courbé sur la feuille blanche.

Oui donc à l’appel, même enroué, de l’âge d’or ! Avant celui où l’on dort définitivement muet et idiot, sans rêves ravageurs ni nuits blanches et palpitantes…

Michel Ducobu