Caroline Alexander, Une vie en miniature, roman, MEO, 103 pages, 14 euros

Voici un roman étonnant que l’on n’attendait peut-être pas de l’auteure du roman-autofiction sombre et poignant, « Ciel avec trou noir ».
« Une vie en miniature » est sans conteste un livre plus léger, mais l’on sait bien que la légèreté n’empêche nullement la profondeur.
La narratrice, journaliste culturelle comme son auteure, est une femme en souffrance. Son mari, Maxime, la trompe énormément, passant sans jamais vraiment s’attacher, d’une aventure à une autre.
Ses vieux démons l’assaillent, surtout la peur de l’abandon, à peu près le seul passage que nous livre l’auteure sur son passé douloureux, petite fille juive d’à peine trois ans séparée de sa mère sur un quai de gare au début de la seconde guerre mondiale.
Durant les absences de ce mari, qu’elle aime et ne cesse d’attendre, elle commence à faire des rêves étranges qui, de nuit en nuit, deviennent une réalité surprenante. Avec la complicité très mystérieuse de ses trois chats -chez qui elle recherche la consolation d’une douceur perdue-, elle se découvre une faculté extraordinaire : celle de réduire sa taille aux dimensions d’une poupée, pour retrouver sa taille normale, en général le matin, aux côtés de Maxime endormi revenu de son escapade.
Elle prend de plus en plus goût à cette « nouvelle vie », à laquelle elle apprend à accéder sur commande, dès que le besoin s’en fait sentir.
« Je me sentis partir, tout doucement, un envol ou une glissade, quelques picotements ténus et puis, sans rupture, sans douleur, sans avertissement, le bonheur soyeux de me trouver calée entre ses pattes de chat. Petite, poupée, objet quasi invisible… mais lucide ».
Elle découvre un nouveau monde dans lequel elle se sent bien, en paix, une vie parallèle qui finit par prendre le pas sur sa vie ordinaire de femme.
« Le premier rayon de soleil acheva de me sécher. Un papillon cerise et ocre se posa sur mes cheveux et se fit ombrelle par-dessus ma tête (…) J’allais au secret des choses, inertes ou vivantes ».
Devenue presque invisible, elle a aussi la possibilité d’observer son mari et de prendre conscience des aspects ridicules de son comportement à lui…
C’est l’histoire d’une fuite, fuite de la réalité, d’une vie de couple malheureuse, mais pas uniquement, c’est aussi une libération. Une fable métaphorique. Une sorte de leçon sur la nécessité de prendre du recul face à nos problèmes, nos enfermements, nos sujétions, nos dépendances affectives, nos habitudes, notre vie ordinaire. Pour enfin, prendre son destin en main.
Peu à peu, les lignes bougent. Elle évolue dans sa tête et dans sa vie, par rapport à ce mari volage. L’on sait à quel point les épreuves de la vie font avancer et nous transforment, et c’est peut-être ce qui peut nous arriver de mieux dans la vie. Nous ne dévoilerons pas ici jusqu’où ira la transformation de la narratrice. En tout état de cause, jusqu’au mot « liberté »…
L’on ne manquera pas de signaler aussi les jolis croquis de chats qui jalonnent le livre (Raymond Passauro).

Martine Rouhart