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Èlmore D – Back to Hèsta.CD,  Frémeaux et Associés, 20, rue Giraudineau,F-94300 Vincennes;- France.

 

Pour ceux qui l’ignoreraient, Elmore D est le pseudonyme de Daniel Droixhe, professeur de philologie romane, et notamment de wallon, à l’Université de Liège. Il est des gens qui se cantonnent étroitement dans une spécialité: tel n’est pas son cas. Issu d’un milieu ouvrier, il se passionna très tôt pour la musique. Son père était amateur de jazz. En 1968, il était en seconde licence, et en 69, lors de l’occupation de l’Université par les étudiants, il allait se produire dans la salle académique. La chanson populaire, allait-il dire, est une chanson de protestation, tout comme le blues » Le pseudo? Il vient de la slide guitar d’Elmore Jones, qu’il admirait beaucoup. Il fonda, avc ses deux beaux-frères, le groupe Ox. Tandis qu’il ne divulguait guère ses prestations auprès des étudiants de l’U.L.B. où il enseignait, il allait rencontrer à Anvers les Electric Kings, au café-concert Crossroads, qui devaient l’accompagner dans ses enregistrements. Après un voyage dans le Mississipi, ce sera le premier album, le trophée France Blues, le Grand prix de la chanson wallonne en 2003.

Côté cour – académie, si l’on préfère – une carrière tout aussi riche et variée: des cours à Bochum, à Paris, à l’Ecole pratique des Hautes études, à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Il sera élu membre de l’Académie de langue et littérature de Belgique, se spécialisera dans la dialectologie et l’histoire liégeoise..Qui dit mieux?

Cette ouverture sur le monde, c’est d’abord et avant tout une ouverture sur le monde de la rue, des petites gens, des choses et des gens du commun. Une voix puissante et rugueuse, dira l’un des commentateurs, l’expliquant par les conditions difficiles dans lesquelles furent réalisées les premières prises de son. Mais c’est la voix même de la rue, la voix même des quartiers populaires, où tout se dit à voix haute, où l’on n’a que faire des chuchotements des salons. Une voix, des cris qui n’hésitent pas devant les gros mots, devant les mots communs, du commun, la voix même, ici, du wallon de Herstal. Et des mots qui portent en eux une charge détonante de poésie – mais tout le monde n’a pas l’oreille pour l’entendre. Poésie faite de simplicité, de tendresse contenue, qui dit volontiers moins pour exprimer plus, qui parle en images drues plutôt que d’utiliser la rhétorique des beaux sentiments. La langue même que l’on trouve chez les gens de la rue de Georges Rathmès. Ecoutez donc plutôt:, en ce beau texte plein de retenue où il évoque la maison de ses parents, Back to Hèsta::

I nivéve so Hèsta/Dji n’sè pus çou qu’dj’alève fé la/Li rouwale Pèkèt èsteût neûre/Et i-n-èsteût nin minme cinq’eûres

C’è-st-à ponne si dj’ m’arèsta/Wice qui m’ mame, djône fèye, dimora./Poqwè fât-i qu’ dj’î tûze seûl’mint/Lès djoûs qu’i -n-a dè måva  timps?

Falêve soner àl pwète,/Prinde li colidôr, djusse po vèy/Å coron, come ine coûr coviète/Wice qui m’ grand-mére féve lès bouwêyes.

Après çoula, gn-aveût ‘ne couhène/Avou sès deûs fôteûys Voltaire,/On calendriyé so l’Årdène/Et l’ radio qui passe l’INR.

Covrant m’ fôteûy,ine saqwè d’bê,/Cozou avou dès bokèts d’ linne/Di pus d’ coleûrs qu’ènn’a l’èrdiè/Dji v’ l’atch’tèye, si vos-avez l’ minme.

Dèl sitoûve, dji n’ sé pus rin./Èsteût-èle plate, èsteût-èle ronde,/Mins l’årmâ èt çou qu’aveût d’vins,/Sins bargougnî, dji v’s èl raconte.

Èt ridant d’ dreûte , lès clés,/ A hintche, lès çanses, èt sol costé/Nom di Dju! Mi! avou m’ bonète!

Èl rowe, dji n’a fèt qu’ passer./ L’ mohone èsteût dèdja tote neûre.

Poqwè s’arèster po trover/Qui n’a cåzi pus rin qui d’meûre?

 

A consommer sans modération.

Joseph Bodson