Philippe Remy-Wilkin, Encres littorales,  opuscule 217,  éditions Lamiroy (2021, 34 pages, 4 euros).

Qui n’a jamais eu l’expérience troublante de « rentrer » dans une peinture ? L’on contemple un tableau et, tout à coup, une ombre, un détail nous happe, l’esprit et l’âme se tendent, s’échappent pour se poser au creux de la couleur. Une sensation magique aussi éphémère qu’un souffle d’air, presqu’une illusion d’impression, qui secoue jusqu’aux tréfonds de l’être.
« Ses yeux le précèdent et chassent, mais les toiles de Delvaux le troublent. D’un coup la salive lui manque. Une peinture immense, tout en largeur. Une procession de femmes, jupes blanches et bustes dénudés, traverse la matière pour fondre sur lui, des officiantes. Il se fige. Un train à l’arrière-plan, sur la gauche, éclairé, troue la nuit et… Le train et la femme ! »
Et plus loin : « ELLE ! Debout face à la couverture de son premier roman, l’un des meilleurs Spilliaert, sa période sombre, un homme hagard et haut-de-forme errant la nuit sous les colonnades des galeries royales. Un homme errant et les galeries. ELLE ! »
Nathan, écrivain qui emporte partout avec lui/en lui un roman policier en gestation- vient d’apercevoir dans un musée une femme inconnue, rencontre bouleversante apparaissant-disparaissant, et ressent aussitôt le besoin impérieux, lancinant, de partir à sa recherche ; une recherche presque fiévreuse qui rejoint une quête plus fondamentale.
Comme dans d’autres écrits de Philippe Remy-Wilkin, tout vacille d’un côté et de l’autre et s’enchevêtre, l’on évolue entre surnaturel et réalité, on se laisse mener sur des chemins invisibles vers des hauteurs successives…
Le récit est nourri de riches références culturelles (musicales, artistiques, cinématographiques) et se construit autour de la Belgique, de son histoire et de ses lieux emblématiques, ici le littoral belge, la mer du Nord et ses villes côtières.
On y retrouve l’imaginaire, l’étrange, l’envoûtement, des voix intérieures, le passé et de lointains non-dits qui remontent des profondeurs.
Des énigmes, aussi bien intimes qu’en prise avec le monde réel.
Un récit initiatique que l’on emmène avec soi jusqu’aux premiers rêves de la nuit…

Martine Rouhart