Françoise Bal, Mes contes à moi, choisis, adaptés, racontés par Françoise Bal, chez l’auteure, 27, rue du Bois Henrard, 5590 Ciney.

Il est rare, bien trop rare, même, que nous ayons à rendre compte de contes (sans mauvais jeu de mots…), et c’est bien dommage. Le conte n’est-il pas, tr!s probablement, la plus ancienne forme de littérature connue, intimement liée à la religion? En Egypte, à Babylone, chez tous les peuples primitifs, c’est par des contes que l’on a commencé à expliquer la naissance et les avatars de notre monde. C’est par des contes, des fables, que l’on a transmis, de génération en génération, la sagesse des anciens…Serions-nous devenus si sages que les origines, la façon de se comporter, soient à présent incluses dans nos gènes, sans qu’il soit nécessaire de les apprendre? Une sorte de littérature IKEA, facile à monter, à démonter. Mais ne déménagez pas trop souvent…

Françoise a trouvé cette littérature quasiment dans son berceau: son père, Willy Bal, l’un de nos meilleurs écrivains wallons, avait écrit des contes en wallon, et, de fil en aiguille, Françoise, après l’avoir écouté, s’est mise à conter. C’est que le conte, c’est un peu comme un écheveau magique, qui n’a jamais fini de se dénouer: à l’intérieur du conte, il y a un autre conte; et à l’intérieur de l’autre conte; il y a encore un autre conte…Comme les matriochkas, si vous voulez, ces poupées russes qui s’emboîtent les unes dans les autres.

Elle prend son inspiration là où elle la trouve. Un peu comme notre voisine , une noire de Colombie qui fabrique de ravissants sacs à main tout bariolés à partir de vieux jeans rapiécés.Eh oui, messieurs les grands écrivains, c’est à partir des images les plus simples, des images les plus usées que l’on fait la meilleure littérature. Il suffit de dire: Il était une fois…, et c’est parti. Les puristes vous diront qu’il y eût sans doute fallu un passé simple plutôt qu’un passé défini, puisque l’indicatif. imparfait marque la durée dans le passé, et que c’est en parfaite contradiction avec le une fois qui suitmais entre-temps, pendant que vous raisonniez, le charme s’est rompu, et le marchand de sable ne passe qu’une fois, juste avant la nuit…

Françoise ,elle, prend les choses au pied de la lettre, tout fait farine au bon moulin,et ses contes, quelle que soit leur origine, pétillent de bonne humeur et de gentillesse, même s’ils finissent mal: on fera mieux la prochaine fois. Et puis, ce sont des histoires vraies, puisqu’elle les a racontées à ses enfants, à ses élèves, à d’autres encore. Ce n’est pas comme tout ce que l’on trouve dans les gazettes: tot papî s’ léye sicrîre, comme on dit à Namur. Elle nous dit bien, page 8, que ses contes ses passent au présent, mais ce n’est pas une contradiction. Et elle va puiser ses histoires dans le monde animal, elle va leur donner des noms abracadabrants, les promener à travers le vaste monde, les mettre dans les situations les plus inattendues. Le crocodile va monter sur ses grands chevaux, et l’alouette vient se mêler à l’affaire…Contes de la fantaisie ordinaire, et il est bien vrai que la répétition y joue un grand rôle, comme dans toutes les formules magiques.On s’en ira au cirque, la trapéziste et l’homme-canon y feront bon ménage. La rime y fait bon ménage avec la répétition, et l’astuce avec le rêve. Parfois cela tourne mal, et il y a du caca dans la marmite…et les objets inanimés y ont une âme…Cassé,Lamartine…L’auteur préféré, ici – comme déjà pour Willy Bal, c’est Henri Pourrat…

Bon, je m’arrête, sinon, je vous aurai tout raconté, et vous n’aurez plus rien à découvrir. Je vous dirai juste encore qu’elle a même écrit un conte en wallon, Poyète èt Coquia, à la page 85. Sa première tentative en français n’était-elle pas une adaptation desFauves dèl Tâye-aus-fréjes , de Willy Bal?

Le reste, je vous le raconterai une autre fois. Parce que, s’il y a toujours un autre conte, il y a toujours aussi une autre fois.

Joseph Bodson