Françoise Lison-Leroy, Le temps tarmac, éd. Rougerie, 2017

Le présent volume vient de recevoir le prix Emma Martin de l’Association Emma Martin. Une récompense amplement méritée, aussi bien pour l’auteure que pour l’éditeur, dont on connaît le soin avec lequel il choisit ses auteurs et publie leurs ouvrages.

On retrouvera ici la « marque de fabrique »de Françoise: une imagination qui part toujours du concret, un choix de métaphores bien souvent basées sur les métiers, les outils, et un soin apporté à la recherche stylistique qui rappelle aussi, de son côté, l’adresse et l’attention du bon artisan. Ce sont des vers qui « touchent terre » avant de prendre leur envol, ce qui ne les empêche pas d’atteindre une belle hauteur une fois l’élan pris:

Mais ici, la donnée centrale est celle d’un aller-retour, d’un combat, de la montée et de la chute, du sang et de la cruauté, aussi. C’est que l’espoir est en berne, mais malgré tout, il faut continuer de vivre: une musique, des couleurs, même en berne parfois, c’est toujours un appel vers un au-delà qu’il faut s’efforcer d’atteindre. Une démarche qui n’est pas celle d’un génie isolé, mais d’une foule en marche, qu’il convient de ne pas abandonner:

Le portable me fend l’oreille /  me colle au poing /  comme une alliance/une verrue millénaire /  je l’arrache de l’autre main /  ailleurs /  quelqu’un épingle la tendresse /   l’urgence / un aveu /  /je ne suis pas si seul /  à gagner du réseau / sur l’angoisse / sur l’infinie échappée/ sur le noir absolu.

Et si c’était cela, le passage?

Le tarmac, cela peut symboliser cette mati!ère sous laquelle étouffe la végétation, aussi bien que l’envol de l’avion vers le grand ciel libre. Passage des hommes, aussi bien que des oiseaux. Mais on ne s’en va jamais seul. Tout homme est une foule…Et la beauté, c’est le paraphe qui vient éclore sous l’échappée belle.

Et je referai le voyage
vers le pays meurtri
Les vagues rouleront à l’envers
et les nuages
                      auront cessé le guet
Là-bas aussi
la vie bat fort

comme une poche

d’air et d’urgence

Joseph Bodson