Henri Castor,  1914-1918, La Grande Guerre, Weyrich, 2014

 

Ouvrage monumental de près de 400 pages rédigé par le commandant à la retraite, Henri Castor. Fils lui-même de militaire, l’auteur s’appuie sur des témoignages vivants et sur une montagne d’archives et d’enquêtes de terrain pour nous restituer le plus fidèlement possible le cadre, les événements et la vie quotidienne des acteurs de cet abominable conflit qui a meurtri et défiguré l’ Europe dite civilisée. Rien n’est épargné à ceux qui iront jusqu’au bout de ce livre à la fois passionnant et effrayant : la barbarie des envahisseurs, les atrocités qu’ils ont commises dans nos villes et nos campagnes, la sauvagerie inouïe des assauts, d’une tranchée à l’autre, dans une guerre de « grignotage » voulue par des généraux butés, sourds aux innombrables souffrances et broyages de vies que ces chocs inhumains entraîneraient. Analysant froidement les stratégies, les erreurs, les calculs cyniques des états-majors, Henri Castor nous montre, chiffres et photos à l’appui, comment on est arrivé, rien que pour la première année du conflit, à compter 350.000 combattants français tués, suite, en grande partie, à des erreurs de commandement et une tactique d’un autre âge. Quatre années de boucherie, de défaites ravageuses et d’amères victoires, de sacrifices totalement inutiles, d’actes héroïques insensés, de destructions innombrables, de déplacements de populations désespérées, de générations décimées,  au service de têtes couronnées et de dirigeants inflexibles, plus soucieux de conquêtes impérialistes et de gloire que de la vie de leurs hommes. Une formidable leçon d’histoire aussi, doublée d’une initiation aux découvertes scientifiques et techniques qu’entraîne inévitablement une guerre d’usure aussi longue et implacable. Le livre s’achève sur des bilans apocalyptiques et sur l’analyse très fouillée d’une situation toujours aussi conflictuelle qui provoquera, vingt ans plus tard, la ruée des fascismes et le second cataclysme, à l’échelle  mondiale, cette fois. Plus jamais ça, implorait-on dans les chaumières, après l’armistice de 1918.  C’était oublier que le martyre de tant de combattants et de civils n’avait rien résolu et que la défaite des armées de la Triple Alliance n’était qu’une bataille perdue, avant de recommencer la guerre et l’infliger à un nombre de belligérants plus élevé encore, au prix de monstruosités qui dépasseront celles décrites dans ce livre.

                                               Michel Ducobu