Jean-Marie Corbusier, textes, et Dominique Neuforge, encres, Confidences, chez l’auteur: Corbusier Jean-Marie, 24, Cheneux, 4987 Stoumont.

Le titre, d’emblée, nous avertit: les textes seront dits mezzo voce, sans grands effets théâtraux, sans grandes gesticulations. Tout ici est retenu, proche du silence, de la méditation, car c’est ainsi seulement que nous pouvons nous approcher, nous approcher seulement, des  vérités dernières, sans lesquelles notre monde ne serait que vide. Et la disparition d’un animal familier, d’un chien auquel nous nous sentons attachés, participe de cette conception: le coeur toujours vacille à rappeler la part commune.

Et ce qui était annoncé dans le titre,  dans l’exergue se confirme, dédicace à M… datée du 24 février 1992:: L’herbe parvenue à l’éclat de sa maturité tient solitaire la trace / Fugitive la trace dans la matité de l’écho, et, plus loin, Contre la fatale répétition de nos jours improductifs, se lève quelquefois une claire étendue.

La trace, et quelquefois: tout ce qu’il y a d’aléatoire en nous, en notre fragile destinée, en ce court voyage. Car c’est bien aussi d’un voyage qu’il s’agit, comme nous en prévient le titre du second texte: L’iris du grand voyage. Et les marques, les marges, de l’absence, du grand silence, vont aller en se succédant, de règne en règne, d’image en image: Le corps a rejoint l’ombre. En ton jardin, le schiste t’abreuve violet. / Sans raison, épousons droit la touffe de perce-neige.

En même temps, les cercles des encres de Dominique Neuforge semblent s’entrouvrir davantage, comme si l’éternité traversait le temps, une sorte de patrie lointaine, hors de portée. Le temps se détruit lui-même, le chemin mange le chemin. Et puis, les cercles divergent: Reste sur le fil de l’air, l’ordre bref de répéter. / Marcher, mais rien ne nous sépare, / notre chemin, délaissé, suffoque. // Marcher, ici, écrase la journée. Et encore: Si long      si lent / je vois / ce temps qui nous sépare.

En ces pages non numérotées, dialectique de l’oubli et du non-oubli. Paradoxalement, ce qui agit et nous force, c’est la force de l’oubli. Une avance incessante – car tout, en ce recueil, est bâti sur le thème du mouvement – dans un présent immobile, d’obscure aridité. Des étoiles qui s’éteignent pendant des millénaires hors de notre vue, tandis que d’autres, encore non vues, se forment. Mouvement de systole-diastole, comme un mouvement en sens inverse de l(‘espace et du temps.

Avec cette dernière strophe, superbe: Tu frappes à notre porte et nous ne pouvons l’ouvrir. C’était hier pourtant, dans un soleil bienheureux. Ce qui brillera toujours, cette goutte d’eau jamais bue, parfaite, sur le chemin du retour. L’appel de ce qui sera sans mémoire tourne la clef du coeur. Accepter rapproche du chant natal, ce grand silence coiffé de l’amertume.

 

Joseph Bodson