La bonne vie de Jean-Pierre   Otte     éditions Cactus Inébranlable   (2021 ; 10 euros)

« Quelquefois, à moments perdus, il est bon de s’adonner à des exercices d’évasion » : c’est sans doute ce que fit Sergueï en s’intéressant, en y repérant les phrases importantes à ses yeux, aux premières œuvres de Jean-Pierre Otte, annotant des phrases dans un cahier auquel il donna le titre de « La bonne vie ».

Voici donc ainsi une partie de l’œuvre revisitée en propositions devenues autres dans le contexte magique de la juxtaposition, le tout devenant non pas des passages répétés mais apparaissant telle une œuvre neuve devenant autre chose qu’une pâle recopie, le tout représenté de façon quasiment « restaurée » comme on enlève un vernis d’un tableau ancien du Moyen-Age pour qu’apparaisse à nouveau la blancheur des ailes des anges musiciens quand « le bonheur, dans la présence à soi, est d’abord la capacité de s’éprouver en vie dans la vie, de se connaître et reconnaître comme partie intégrante d’un ensemble, et de partager le monde dans toutes ses manifestations ».

Il s’agit de découvrir autrement ou de faire connaissance avec des passages des premières œuvres de Jean-Pierre Otte où les questions essentielles sautent aux yeux avec également le doute des choix de société pressentis : « Le nouvel âge serait-il un leurre de surcroît, un grand mirage de plus, la nouvelle illusion vitale, nécessaire et chimérique, venant en reflet trompeur ou par écran interposé, alors que la fin d’un monde s’inscrit partout ? ».

Etant donné qu’il y a « une gravitation des âges », il n’est sans doute pas nécessaire de savoir dans quel ordre chronologique les extraits sont repris dans l’œuvre et les articles écrits préalablement pour les journaux, ces derniers ayant donc force d’inédits en qualité d’œuvres exprimées, cette fois, dans un livre.

Les extraits repris sont sans doute avant tout le fait de repérages spontanés au fur et à mesure des lectures, ce qui donne de l’authenticité au côté émotionnel des choix opérés.

On peut ainsi lire, entre les lignes, un ouvrage quasi commun de « nombreuses personnes » puisque l’auteur écrivait, comme il le précise, des articles sous pseudonyme, ce qui peut donner un genre d’écriture parfois entièrement autre.

« Sans doute ne peut-on vivre merveilleusement qu’à condition de ne pas enfermer le monde dans un système de pensée, un concept ou une croyance » : voici, en tout cas, des pensées offertes au lecteur comme autant de possibilités à s’y retrouver lui-même et peut-être même dans la vie la plus quotidienne « quand l’heure est aux actualités journalières ». Remises dans un contexte de self-service intellectuel où le lecteur choisit au moment qu’il souhaite la réflexion qui lui sied, les réflexions rassemblées deviennent tout à tour des sortes de vœux à exprimer.

Sergueï est retourné ou resté dans l’anonymat. Les passages de l’œuvre sont devenus …une œuvre de lecteur. Pour l’auteur l’aura en est amplifiée.

Patrick Devaux