Manuel Verlange La lumière de la pluie sur son visage roman éditions Le Lion Z’Ailé ( 2025, 204 pages, 20 euros)
Maman, poète, souhaite très tôt que son fils devienne écrivain. Le roman se parcourt à grandes enjambées de lettres et de phrases dans l’évocation filiale à rappeler la mère possessive en amour voulant transmettre, à tout prix, et à sa façon, un désir d’ambition littéraire. On reconnaît aussitôt le style très personnel de l’auteur à vouloir s’approprier les mots : « Elle m’a saisi par les épaules, me faisant jurer de m’accrocher, de ne jamais baisser le stylo ». Quand on connait un peu l’auteur on reconnait vite son phrasé humoristique et son sens scénique époustouflant les dialogues. On devine l’admiration de l’auteur pour certains de ses pairs, Françoise Sagan et Romain Gary, notamment.
Jusqu’où l’enfant peut-il résister ? « La peur vrillée au ventre, j’ai annoncé l’histoire d’un écrivain en herbe voulant écrire un roman contre vents et marées. J’étais une victime en obligation d’écriture, sous peine de tragédie maternelle ». De défi en défi cela se corse, la mère proposant le jeu d’écrire chacun de leur côté pour booster une sorte d’émulation poussant à l’éventuelle publication. L’auteur raconte tellement bien qu’on croit reconnaître des souvenirs qui pourraient lui être personnels tandis que, très souvent, un contrepied d’un acte courant fait mouche : « Ton père adorait le sport. Il a participé au Marathon de New York/…/Il jouait au golf et au tennis. Un athlète. Il est mort en taillant la haie ».
La « course au livre » entre la mère et le fils met ainsi en évidence le milieu concurrentiel de l’édition et parodie parfois le milieu littéraire, l’ego de certains, avec un certain brio.
Quel sera le ressenti du candidat écrivain quand Manuel, notre narrateur qui porte le prénom de l’auteur constatera que sa mère lui fait concurrence ? : « Je n’atteindrais pas sa hauteur avec mon livre qui se prenait les pieds dans les phrases. Je n’écrivais pas ; j’avais l’écran vide. Je ne possédais ni son imagination, ni son talent de conteuse ».
En filigrane on a le processus évolutif d’un roman tandis que, même en cas de doute, il y a un remède possible :
« – Tu doutes de ton talent, mon fils ?
–    Non, maman
–    Tu doutes, c’est formidable ! Ecris sur le doute, tu ne tomberas jamais à court d’inspiration ! »
A travers les auteurs et les œuvres cités par librairie interposée où travaille la mère de Manuel, on devine toute la maïeutique de ce qui fera l’écrivain en devenir tandis que se dénouera, peut-être, une intrigue inattendue entre la mère et le fils.
Pousser la référence donnerait- il des ailes tandis qu’une mère vise haut pour l’ambition littéraire de son fils ? : « Maman me rêvait trop haut. Je n’étais pas sûr de pouvoir respirer à une telle altitude/…/j’en ai voulu à maman d’élever encore le sommet des règles du jeu, j’avais déjà du mal avec Françoise Sagan ».
L’écrivain, naissance forcée par la mère, aura-t-il sa « promesse de l’aube » chère à Gary abondamment cité ? Jusqu’où va l’amour d’une mère ? Et…celui d’un fils ? L’épilogue est aussi touchant que l’auteur…

Patrick Devaux