Marc Quaghebeur, Belgiques, Ker éditions, 2022, 108 pp., 12 €.

Belgiques, chez Ker éditions, c’est le titre générique d’une collection d’études, d’évocations de cet étrange pays qui est le nôtre, par différents écrivains.
Marc Quaghebeur était tout indiqué pour y avoir sa place. On le connait assez pour son activité foisonnante à la tête des Archives et Musée de la littérature, un peu moins sans doute pour sa poésie. Mais c’est aussi un écrivain d’humeur, qui s’engage passionnément, et pour qui la francophonie est, et doit être, une source d’activité et d’inspiration permanentes. Cela se traduira par un sens aigu des atmosphères, dans les « nouvelles » qui forment ce recueil.
Mais c’est aussi quelqu’un qui a le sens profond de l’amitié, celle qui s’adresse à des héros anonymes ou trop peu, ou mal connus, ou bien même tirés du commun des mortels, ainsi Ramon, ou bien Christos, deux restaurateurs bruxellois, l’un espagnol, l’autre grec Ici, les étrangers sont autochtones. Et Ghelderode n’est pas loin.
Des portraits qui sont aussi des histoires, des récits de vie – et de mort, car la littérature, on peut aussi en mourir. Dans A l’ombre d’Abraham : Vivre pour aimer, c’est l’ombre de Sarah Kaliski et celle de son frère qui seront évoquées, en même temps que celle de Max Jacob. Et le portrait se mue, insensiblement en dialogue, de plus en plus vivant, pressant, donnant ainsi aux personnages évoqués, jusqu’en leurs derniers jours, une présence d’une grande intensité…La sombre beauté des jours derniers qui nous restent.
Et puis viendront Meringue la courageuse, et le Zénon de L’œuvre au noir, dans Passés les sables. Avec, au centre rayonnant du livre, Tant de haine , une brève autobiographie, un seul long cri plutôt, porté à la première personne, parlé, poussé par Michèle Fabien, une belle et brève aventure de l’écriture, ouverte à tous les vents de la souffrance et de la solitude. Une carrière théâtrale pleine de belles réussites, puis de cris et de souffrances : l’Ensemble théâtral Mobile du Marni, auquel prirent part Marc Quaghebeur, Marc Liebens et Jean Louvet. Une bien belle aventure, avec une triste fin.
Il y aura encore Jean-Claude Pirotte et ses errances, toujours en bordure, toujours en cavale et mal de solitude. Charles-Quint, pourquoi pas, solitaire lui aussi, dans l’austère grandeur de Yuste. Et la rencontre inattendue, pour boucler le tout, de Jean Louvet et Paul Willems. L’arbre le plus solitaire n’est jamais seul…
Un cortège varié, éblouissant de mille paillettes, avec ses coins sombres, la tristesse, l’incompréhension, et ses plages de lumière, sur le Zwin, dans les dunes de Cadzand, les vieilles rues de Bruxelles, et ces Belgiques qui poussent loin leurs racines et leurs branches épanouies, dans la splendeur chatoyante de leurs larmes et de leurs éclaircies. Oui, ce pays est un grand royaume.

Joseph Bodson