Murmures   Poésie minimaliste de Marcel Peltier éditions du Cygne      (2020,  10 euros)

Moins on en dit, moins c’est parfois brillant. Je crois inutile, en dehors du travail reconnu par des prix et maintes fois relaté, de compter ou non, chez Marcel, un nombre de mots ou de syllabes.

M’importe davantage le choc révélé par l’intensité de la fulgurance. Il s’agit, quelque part, au niveau du cerveau créatif, d’une éruption presque solaire : maîtrisée, dosée et efficace sans pour autant bruler le mot jusqu’à la cendre.

Marcel dose. Et quelle efficacité ! Celle de quelques-uns, peu nombreux comme Guillevic ou plus récemment la jeune poète Iocasta Huppen.

Commencer un recueil par le mot « dépouillé » et en dire autant n’est pas donné à tout le monde.

La subtilité de l’auteur ne se révèle jamais mieux que quand il fait s’entrechoquer les infinis :

« clapotis

Des colverts s’amusent »

où la résonance de l’eau s’accomplit, dans cette formulation, de l’instant fugace du canard.

A sa propre écoute, Marcel ajoute la dimension « acouphène » de l’éternité.

Dupe d’aucune allégeance, l’auteur se sent intensément libre et y compris dans les métriques qui, fruit d’un travail intense, n’en sont pas moins d’un naturel absolu.

Cet être franc l’est jusqu’au bout. Quand « la mer dépose ses couteaux » il sait de quelle blessure il parle et quand « la nuit/digère les bruits », on devine son écoute intense avec « chaque soir/ les mêmes mots répétés ».

Quelques mots lui suffisent pour évoquer les autres Arts à travers Chopin ou Magritte et comment ne pas songer à Basho avec : « le gazon apprécie/ l’orage » ?

A l’instar de quelques poètes qui s’expriment dans des images similaires, telle, par exemple Martine Rouhart, « les mots/ deviennent des oiseaux ».

Le recueil se ferme comme un origami car avec presque uniquement ce « elle/ ce papillon blanc », Marcel frôle de ses mots l’éternelle lumière qu’il aime.

Suivant les mots du préfacier, Olivier Salon, Marcel « effleure la profondeur ».

Dans le mot « Murmures » qui nous donne le titre, il y a l’obstacle (le son « mur ») et on peut deviner l’évocation des fruits (les mûres). Après avoir franchi l’un, Marcel nous offre la saveur des autres…

 

                                                                                                 Patrick Devaux