Martine ROUHART, Les ailes battantes, M.E.O., 2021, 72p., 10 euros.

De l’expérience et et de la connaissance de la douleur est né ce livre.
Comment sortir de soi tout ce travail de conscience et de sensation, quand la maladie révélée et soignée heurte sans cesse le corps et que l’âme se met elle à approfondir son chemin?
Martine Rouhart a fait la douloureuse expérience de cette longue maladie, « saleté de cancer », en 2009 et a souhaité en conserver le récit au jour le jour des traitements et de son appréhension (philosophique) de sa nouvelle existence.
Dans cette quête d’un nouveau soi – ébranlé, fragilisé -, l’auteure a trouvé des refuges : cette capacité foncière à ne pas dénier le destin, à ne pas flancher quand la pensée positive peut se nourrir de tout ce qui est présentement offert à sa figure « lisse », à son esprit, à sa vie. C’est l’observation lente et mesurée du jardin, la présence des livres de philosophie, celle des amis et proches.
Dans une volonté de tous les instants, l’esprit s’accroche à un agir qui puisse accueillir le beau comme le grave, les nouvelles sensations, qu’elles soient pénibles ou délicates.
Ce travail de forage intérieur – qui puisse ressourcer, est hautement spirituel et créateur; et éthique, par sa mesure précise de tout ce qui lui tombe, à cause de la maladie.
En vingt-trois chapitres (récit et poèmes), Martine Rouhart nous rappelle les étapes de sa survie, de sa vie recréée, dans une langue sans apprêts, toujours apte à délivrer la nudité des réflexions et des sensations.
Le temps y a son importance et il n’est pas inutile de suivre cette temporalité tissue d’hôpital et de regain, tissée des mots d’une expérience fondamentale. L’auteure ainsi rejoint les témoignages insignes d’auteurs accablés et qui ont retrouvé force et énergie.
« De la connaissance de la douleur » pourrait être le titre de ce récit prenant, bref et juste, d’un combat éthique contre les forces du découragement.
Aucun pathos ne vient corriger la tenue haute de cette écriture morale, qui s’éclaire progressivement.
Un beau livre.
Philippe Leuckx pour NOS LETTRES.