Nicole Versailles,  Mon rendez-vous avec Horton , récit, Academia, 2019

 Le livre de Nicole Versailles est porté à la fois par la force et la fragilité, et aussi beaucoup de douceur. Pour des raisons assez évidentes, ce récit a trouvé en moi un écho ému, l’impression un peu magique de découvrir une sœur, bien que les situations soient très différentes.

Un jour, a priori pareil aux autres jours. Le 13 août 2011 « comme un petit soldat désarmé, un de mes yeux a capitulé : il s’est retiré dans une solitude noire ».

« Femme à dix mains », mère de famille qui s’est rarement octroyé le temps de s’attarder sur elle, Nicole décide de négliger ce contre-temps et ses symptômes lancinants mais, en treize jours, tout se précipite.

Atteinte de diplopie (dédoublement de la vision) ; le verdict tombe, maladie de Horton, maladie orpheline mystérieuse qui touche le nerf optique et porte en elle le spectre de la cécité.

D’une jolie écriture grave et légère, l’auteure raconte au long des pages son cheminement dans la maladie, ses séjours en clinique, les opérations, les soins, les effets secondaires dévastateurs de la cortisone et des autres médicaments, le retour difficile chez elle qui se sent démunie et amoindrie, le quotidien qui devient un combat permanent, sa peur désormais d’affronter le monde, sa peur de vivre tout court. Elle raconte aussi surtout son chemin spirituel pour apprivoiser Horton, s’en accommoder le mieux possible.

La première bataille à gagner et non la moindre : l’acceptation, qui prend du temps, beaucoup de temps. Mais ce n’est qu’à ce prix qu’elle parvient à avancer, à faire en sorte que la vie continue même si c’est « autrement ». Elle entre en connexion avec la personne qu’elle est en profondeur, réfléchit à l’important, à l’essentiel.  « Dans le creuset de mon intime, il y a des trésors, il y a la capacité d’aimer qui pourra grandir jusqu’à mon dernier souffle, il y a celle de m’émerveiller, celle de construire à mon niveau la paix profonde, engendrée par l’écoute et la parole vraie… » (…) « vivre au mieux l’heure présente et puis la suivante ».

Outre sa foi, c’est l’ouverture et l’attention aux autres qui l’aident. Famille, amis, médecins et infirmières, et même les autres patients dans les salles d’attente, compagnons d’infortune avec qui l’on crée des liens étranges…

Et puis il y a l’écriture, qui épure les blessures, les adoucit parfois, même si par moments elle perd les mots.  « Dès le premier jour de mon hospitalisation, j’ai écrit. Comme un automate, d’une écriture en pattes de mouche dans un carnet empoigné au hasard (…)  Pour tenir bon, pour éponger le trop-plein, pour conjurer le mauvais sort qui frappait mes yeux, j’ai écrit. »

Le combat de Nicole n’est pas terminé, elle ignore beaucoup des chemins qui l’attendent. Nous lui souhaitons le meilleur, à elle qui s’est ancrée/encrée dans l’âme cette phrase de Ch.Juliet : « Ne prouve rien, je t’en prie (…). Laisse vibrer tes cordes. Ce qui te gouverne saura composer ton chant ».

Martine Rouhart