Pascal Feyaerts, Aspérités   , poèmes, éditions Le Coudrier. Dessins de Catherine Berael, préface de Jean-Michel Aubevert.   ( 06/ 2020  16 euros)

La poésie inspirée en « état de choc » a ceci de particulier : elle résiste au temps qui, dans le meilleur des cas, lui est bénéfique, une sorte de distanciation inversée s’opérant entre l’écrit et l’objet éventuel de la perte ou du saisissement.

La poésie est peut-être, alors, cet état de choc qui fait escalader l’auteur à mains nues dans ses aspérités : « C’est la serrure qui fait exister la porte. Ai-je encore quelque lieu à ouvrir ? ».

En tout cas, le relatif encore jeune auteur ne désespère pas des tentatives. Reste qu’un sentiment d’épreuve ne se transmet pas facilement en baiser offert dans une tentative autre.

Il y a très justement chez l’auteur cette façon d’être au monde avec presqu’une présence innée qui dicte la démarche d’écriture. Je ne sais si on peut, en l’occurrence, parler « d’ange gardien », l’auteur ayant ce regard intérieur qui n’échappe pas aux plus attentifs.

Au fur et à mesure de la lecture du recueil une progression philosophique se rend présente à travers l’encre comme on pourrait parler d’un passe-muraille, avec une vivacité très rocailleuse susceptible d’avoir vocation d’éternité, les traces laissées ayant force de vécu à travers encre et fusain suggérant autant d’indices.

Une sorte de rite de purification passe à la fois par les grands thèmes et la référence aux grands maîtres de la poésie :

« Elle (l’eau) coulait claire et limpide aussi incompréhensible qu’un poème de Mallarmé, et cependant si éclatante dans son rythme justifié par la beauté ».

Cette pause vécue par Pascal Feyaerts lui donne conscience de sa lumière intérieure qu’il motive vers l’amour porté à autrui.

Les illustrations de Catherine Berael rejoignent, de concert, la démarche de l’auteur, l’accompagnant avec des aiguilles de temps détournées de leur fonction première rendant aux heures une lenteur insoupçonnée.

Parfois en relecture de lui-même, l’auteur aime se confronter à sa propre réalité vivant alors une sorte de gémellité. Le cheminement aboutit à une dimension autre quand l’expérience, aspérités vécues à progresser, se satisfait d’un vécu très quotidien car « L’arbre le sait/ Les racines n’ont qu’un temps/ Et le soleil nous grandit ».

Une courte et efficace préface de Jean-Michel Aubevert rend bien compte de cette fulgurance d’un état à l’autre et qu’on nomme…poésie !

Patrick Devaux