Patrick Devaux, De Porcelaine, récit, Editions Le Coudrier, préface de J-M Aubevert et illustrations de C Berael, 16 euros

 

L’on n’en ressort pas complètement indemne. Le récit de l’écrivain Patrick Devaux tranche sur le ton aérien des écrits qu’on lui connaît, sur la légèreté de sa poésie qui est pluie de mots et d’images.

C’est à travers une poupée malmenée que l’auteur témoigne de la violence dont il est victime de la part de son beau-père. Une poupée posée sur « le lit toujours vide » de son frère handicapé séjournant la plupart du temps dans un institut.

« (…) elle me regardait tomber, me regardait fleurir de bleus, me regardait haïr et avoir peur de partout en même temps…(…) La poupée regardait ailleurs en se bouchant les oreilles et en serrant les jambes dans une crispation et une tétanie de porcelaine ».

La souffrance réclame son lot d’explications mais, parfois, il n’y en n’a pas. Et c’est sans doute ce qui lui a permis de tenir, de se regarder de l’extérieur, un peu comme une souris de laboratoire, de prendre de la distance, du recul face à lui-même et à ce qu’il endurait.

Mais ce qui l’a sauvé aussi, continue à le sauver sûrement, ce sont les livres : à la fois un abri et une porte grande ouverte sur la vie, et sur un destin…d’écrivain. Car après les livres, ou en même temps qu’eux, ce sera l’écriture qui lui donnera les ailes pour tout surmonter.

« (…) deux mots, parfois trois, jetés au hasard des barres creuses du lit quand je pressentais à l’allure de la violence que la porte de la chambre allait s’ouvrir brutalement. »

L’auteur n’hésite pas à parler de sa « survie d’enfance », estimant, à dix-neuf ans, « j’étais sauvé et tout était fait – ou presque- puisque je vivais toujours. »

Un récit dur, extrêmement poignant. Très attachant et émouvant lorsqu’on connaît le sourire presque inaltérable de l’auteur et sa générosité.

 

Martine ROUHART